Quand on voit quelque petit responsable d'ici-bas passer le foulard autour de sa grosse taille et esquisser quelques gestes, on se dit forcément qu'il danse du ventre. Quand, sans raison, il pousse des youyous et se met à tourner autour d'un pot qu'il nous est difficile de percevoir, on est convaincu qu'il joue aux Indiens. Mais quand il fait le gestionnaire, ou quand il fait le sérieux et tente de jouer au responsable, on est certain qu'il a peur de quelque chose. La chose dont il a peur n'existe pas forcément. Lui, si. Sa peur encore plus.

Dites à un responsable de proximité qu'il va pleuvoir à torrents et que les avaloirs sont bouchés, il ne vous entend même pas parce qu'il ne se sent pas concerné. Dites-lui que sa gestion est archaïque et que personne de ses subordonnés ne travaille correctement, il ne sait même pas de quoi vous lui parlez. Dites-lui que la médiocrité règne sous ses pieds et jusque dans son pantalon, il se met à faire bouger le bassin et le ventre.

Dites-lui tout ce que vous voulez mais ne lui dites pas une chose, une seule. Ne lui dites surtout pas que, quelque part, dans le domaine qu'il gère, une équipe est en train de faire du bon travail car, ne sachant pas pourquoi on lui fait un si sale coup, il va rougir et rugir comme un fauve blessé. Il va jurer par tous les noms de faucons, qu'il a appris à réciter la nuit avant de dormir, qu'il brisera quiconque osera porter atteinte à sa gestion, qu'il est le seul responsable et que dans «sa» boîte, il est le seul à commander.

Il hurlera fort pour que tout le monde entende. Pour que les journalistes accourent et reprennent à la une ses menaces, pour que les chefs l'entendent et lui portent secours, pour que les ambulanciers se présentent, pour que les pompiers soient là aussi. Il suera à flots car il tient de ses chouafate que seul celui qui sue travaille. Il halètera avec bruit et sa poitrine se mettra à monter et à descendre rapidement. Il se mordra les lèvres, il se rongera les doigts puis il demandera de l'eau à sa secrétaire. Il ingurgitera la moitié de la bouteille et rappellera sa secrétaire pour l'informer qu'il est décidé à donner une longue conférence de presse autour du management moderne et qu'il pense écrire un long article sur l'art moderne d'arnaquer le monde.

Mais il ne fera rien car il est trop incompétent pour donner une conférence de presse, et trop ignorant pour écrire des articles. Il est tout juste bon à trembler à chaque fois que quelqu'un fait du bon travail. Cette danse, d'autres l'ont déjà dansée !