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Iran: L'opposition demande l'annulation des résultats des élections

par Mahrez Ilias

La situation semblait confuse à Téhéran au lendemain des élections présidentielles remportées par M. Mahmoud Ahmadinejad, président sortant. Tout de suite après la proclamation des résultats, les partisans du second candidat à ce scrutin sont sortis dans la rue pour dénoncer «des irrégularités». Les brigades anti-émeutes sont intervenues pour disperser les manifestations. Mir Hossein Moussavi a dénoncé des «irrégularités» mais demande à ses partisans de «s'abstenir de toute action violente». Il a appelé ses partisans au calme et à ne pas recourir à la violence, dans un communiqué publié sur le site de sa campagne électorale.

«Les irrégularités dans le scrutin présidentiel sont très graves et vous avez raison de vous sentir lésés», a-t-il déclaré à ses partisans, ajoutant que «je vous demande fermement de n'agresser aucun individu ou groupe, de ne pas perdre votre sang-froid et de vous abstenir de toute action violente». Juste après la proclamation des résultats, la capitale iranienne a connu de véritables scènes d'émeutes, selon des correspondants de presse, qu'elle n'avait pas vues depuis celles des étudiants de juillet 1999. Les affrontements se sont poursuivis tard dans la nuit de samedi, avant que le calme ne revienne finalement vers deux heures du matin, après le déploiement des forces de l'ordre, des agents en civil et des bassidji (milice islamique). Les manifestants ont incendié plusieurs motos de la police et allumé des feux sur la chaussée avec des pneus et des branches d'arbres, alors que la police avait recours au gaz lacrymogène.

Hier, de nouveaux affrontements se sont produits entre des manifestants pro-Moussavi et la police à Téhéran, où le président réélu Mahmoud Ahmadinejad a qualifié le scrutin de vendredi de «camouflet» pour les «oppresseurs» du monde, en allusion à l'Occident. La police a annoncé avoir procédé à 170 arrestations dans le cadre des émeutes de samedi, dont au moins 70 «organisateurs». Mais l'arrestation de responsables réformateurs, partisans de Mir Hossein Moussavi, a quelque peu augmenté la tension à Téhéran. Certains d'entre eux ont néanmoins été ensuite libérés. M. Moussavi a appelé hier ses partisans à poursuivre «pacifiquement» leur «opposition» aux résultats du scrutin.

Pour leur part, des milliers de partisans de M. Ahmadinejad ont commencé à se rassembler, en présence de leur candidat, en fin d'après-midi dimanche à Téhéran. Le président réélu a, dans une conférence de presse hier, assimilé les manifestants, ainsi que M. Moussavi, a «des supporters de match de football dont l'équipe a perdu».

Ahmadinejad a été officiellement réélu dès le premier tour avec une majorité écrasante de 62,6%, contre 33,7% à Mir Hossein Moussavi qui a dénoncé «vigoureusement les irrégularités visibles et nombreuses» du scrutin, avertissant que cela ne pouvait qu'instaurer «la tyrannie». Il a, dans un communiqué hier, demandé l'annulation des résultats de ce scrutin. Il a officiellement saisi le Conseil des gardiens de la Constitution (institution chargée de valider ou pas les élections) pour l'annulation des résultats du scrutin pour «irrégularités». De son côté, l'Association de l'ex-président Khatami, un réformateur, a demandé l'annulation de l'élection, se disant préoccupée par «un truquage massif».

L'autre candidat à ces élections, le réformateur Mehdi Karoubi (0,8% de suffrages) a également annoncé qu'il ne reconnaissait pas les résultats de cette présidentielle qui sont «illégitimes» et, a-t-il dit, «le gouvernement qui en sort manque de respect national et de dignité». Tout indique que la situation s'oriente vers un bras de fer entre l'opposition, constituée de réformateurs, et l'Etat, dominé par le courant conservateur. Dans une première réaction à ces élections, très suivies par les capitales occidentales, le vice-président américain Joe Biden a estimé qu»il existe de vrais doutes sur la victoire du président Mahmoud Ahmadinejad. Il y a énormément de questions concernant la manière dont cette élection a été menée» en Iran, a-t-il ajouté. Mais Biden tempère les analyses rapides : «Nous n'avons pas assez de faits pour établir un jugement définitif et nous devons attendre et voir».