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Après une «résistance pacifique», les éléments de la troupe El Moudja, de
Mostaganem, ont accepté de quitter le lieu qui leur a servi de théâtre. Le chef
de daïra, en usant des promesses, a déjoué ce qui aurait pu déboucher sur une
émeute.
L'opération de démolition des premières habitations de Salamandre s'est déroulée dans la matinée sans le moindre heurt. Certes, des agents de police postés à l'entrée du village empêchaient les voitures d'y accéder. Les bulldozers se sont acharnés dans la première partie de la matinée sur une villa de deux étages, se trouvant dans un endroit qui doit servir de rond-point, nous explique-t-on. Son propriétaire a été indemnisé, nous assure-t-on. Et donc n'a pas opposé la moindre résistance. C'est vers la fin de la matinée que le premier noyau de la contestation s'est manifesté. Un citoyen, dont l'habitation se trouve mitoyenne au théâtre d'El Moudja, chasse des responsables en leur criant sa détermination de s'opposer à leur entreprise. L'incident a été vite contenu. Pendant ce temps, des jeunes se sont employés à désosser les cabanons ayant pied dans l'eau hérités de l'époque coloniale. Ils ont récupéré des planches et des plaques de tôle. Certains citoyens, concernés par la démolition, ont préféré entamer l'opération eux-mêmes pour récupérer des portes, fenêtres et des rideaux de leur garage. A la salle du théâtre El Moudja, des jeunes dont certains sont venus d'Oran ont clairement affiché leur intention de résister. Ils ont monté une barricade ridicule eu égard aux engins déployés par les autorités publiques : une rangée de sièges du théâtre. Mais il faut le souligner, tous récusent le recours à la violence, à commencer par le jet de pierres. Un dispositif sécuritaire était mis en place pas loin du théâtre. Un jeune, habitant la crique, lui aussi touché par la mesure, a failli provoquer l'émeute. Mais l'intervention des membres de la troupe théâtrale s'est déployée pour éviter le dérapage en criant haut et fort qu'il s'agit d'une provocation. En début d'après-midi, l'homme le plus sollicité, en l'occurrence le chef de daïra, a engagé une discussion avec les membres de la troupe leur proposant un espace de rechange pour servir de siège à El Moudja. Il leur a même laissé croire que la démolition n'aura pas lieu avant l'octroi du nouveau local. Euphoriques, les jeunes ont exécuté une représentation croyant à une demi-victoire. Mais vite cette information a été démentie par le chef de sûreté de wilaya présent sur le terrain. Il devait assister l'opération de démolition de toutes les bâtisses du périmètre considéré. Se rendant à l'évidence, les jeunes comédiens, après maintes palabres, ont décidé de dégager leur matériel et de le stocker dans une école mise à la disposition de la troupe. Vers la fin de l'après-midi, suivant les instructions de Khawla, le dernier acte de survie d'El Moudja, dans les lieux où elle est née et grandit, a eu lieu. Un théâtre, le deuxième dans l'histoire de Mostaganem, a été englouti sous les décombres. En 1972, un premier théâtre, au centre de Mostaganem, a été démoli. «C'est à ce moment-là que nous avons perdu la bataille de toute renaissance culturelle», dira Djilali sur un ton de regret. Ailleurs, les jeunes continuaient d'affluer vers la plage. Des couples se faufilent vers la jetée du nouveau port. Pendant que d'autres jeunes récupèrent tout ce qui peut être revendu sur le marché aux puces. Au même moment El Moudja expire ses derniers souffles... |
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