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UNESCO Cafouillage autour d'une candidature

par Ghania Oukazi

Mohamed Bedjaoui nous a confirmé, hier, le soutien du royaume du Cambodge à sa candidature au poste de directeur général de l'Unesco.

C'est entre querelles de cha-pelles et polémiques que l'ancien ministre algérien des Affaires étrangères place sa candidature au poste de directeur général de l'Unesco sous le parrainage du royaume du Cambodge. Des querelles de chapelles, il en y a et de grandes. Leurs échos retentissent fortement au Cambodge mais aussi à Paris et à Alger. C'est en effet par propos interposés que des voix cambodgiennes s'élèvent pour se faire entendre, qui pour, qui contre, une candidature qui a suscité la controverse. «Le Cambodge a retiré son soutien à Mohamed Bedjaoui depuis plusieurs mois. Actuellement, nous réfléchissons à une autre candidature pour représenter le pays», a déclaré Koy Kuong, porte-parole du ministère cambodgien des Affaires étrangères, à des médias étrangers. Le prince Thomico Sisowath qui est une voix autorisée de la famille royale du même pays, voit les choses autrement. «Le Cambodge et l'Algérie entretiennent des relations d'amitiéde longue date, qui remontent à l'époque du Roi père. Au vu de l'histoire entre les deux pays, c'est de l'ordre du probable», a-t-il déclaré à la presse étrangère.

Mohamed Bedjaoui est non seulement algérien mais a été diplomate au nom de l'Algérie pendant de longues années à l'Unesco et ailleurs. Mais il a été surtout ministre des Affaires étrangères de l'Etat algérien et aussi président de son Conseil constitutionnel, des fonctions pas des moindres pour l'entité politique qu'est l'Etat. Et c'est là où commence la polémique. Elle est en tout cas entière au niveau du corps diplomatique algérien en poste à Alger ou alors celui accrédité dans les pays étrangers. «Ils nous fait honte, en principe,il a été ministre des Affaires étrangères, si l'Algérie ne l'a pas présenté, il n'a à le faire au nom d'aucun pays», nous dit un d'entre ces diplomates avec une grande amrtume.

Contacté par nos soins, Mohamed Bedjaoui n'a pas hésité un seul instant à donner sa propre version des faits et par là même corriger ce qui lui semble erroné au sujet de sa candidature en tant qu'Algérien soutenu par un pays étranger. «Je suis sur la liste des candidatures pour le poste de l'Unesco en tant que personne, il n'y a rien de compliqué et d'étrange à cela», nous a-t-il dit d'emblée. Ses clarifications, Bedjaoui a pris le soin de les consacrer dans une lettre qu'il nous a adressée hier tout autant qu'à d'autres journaux.



BEDJAOUI SE DEFEND



«1) Une personne, écrit-il, quelle que soit sa notoriété, ne peut pas faire par elle-même acte de candidature au poste de Directeur général de l'Unesco. Elle doit obligatoirement être proposée par un Etat-membre. Les textes régissant l'Unesco l'imposent (article 58 du règlement intérieur du Conseil exécutif de l'Organisation). 2) Un Etat-membre est libre de proposer n'importe quelle personne, nationale ou étrangère. Il ne conditionne pas son acte à l'attribution de sa propre nationalité. La présentation par un Etat est une simple formalité de procédure qui n'emporte aucune conséquence juridique ou politique et qui ne peut modifier en rien le statut personnel du candidat. 3) Après la cessation en juin 2007 de ma fonction ministérielle, j'ai sollicité de mon pays la présentation de ma candidature à l'Unesco. Mais des considérations de politique interarabe sont intervenues et ont empêché l'Algérie de me présenter. 4) L'Egypte qui avait aussi un candidat,avait en effet insisté auprès de trois autres pays arabes (dont l'Algérie) pour que ce candidat égyptien soit le seul à être présenté. C'est ainsi qu'elle a pu obtenir, par ses interventions successives auprès du Sultanat d'Oman, de l'Algérie et du Royaume du Maroc, le retrait des candidats de ces trois pays, retrait de l'Ambassadeur Moussa Ben Jaâfar Ben Hassan de Oman, de l'Ambassadeur Aziz Bennani du Maroc et enfin de moi-même pour l'Algérie. 5) Comme au fil du temps, la candidature égyptienne a toutefois semblé soulever des controverses internationales et comme il ne fallait pas perdre le tour du monde arabe à diriger l'Unesco, j'ai cherché à être proposé par un autre pays. C'est ainsi qu'au su de mon pays, j'ai été présenté en janvier dernier par le Cambodge, pays pauvre, digne et respectable. 6) Comme les 8 autres candidats ont créé chacun son site web, j'ai également fait le mien (www.bedjaoui .com). Vos lecteurs peuvent se faire une meilleure idée en consultant ces différents sites.»

Mohamed Bedjaoui a tenu hier, lors de notre contact téléphonique, à préciser encore que «j'ai été présenté par le Cambodge au su de mon pays». Son autre précision a été à propos de ce qu'a déclaré aux médias étrangers le prince cambodgien, Thomico Sisowath. «Au vu de l'histoire entre les deux pays (l'Algérie et le Cambodge), c'est de l'ordre du probable», avait déclaré ce prince à la presse mais Bedjaoui corrige «probable» par «naturel». Donc selon le diplomate algérien, le prince cambodgien estime sa candidature pour l'Unesco «de l'ordre du naturel». Bedjaoui rappellera aussi à l'occasion que le Roi père dont parle le prince est «le roi Norodom Sihanouk, ami du président Boumediène. Il a abdiqué au profit de son fils qui règne aujourd'hui.»



«LE PREMIER MINISTRE CAMBODGIEN SOUTIENT MA CANDIDATURE»



L'on note du côté des diplomates algériens que «dès sa mise de fin de fonction en tant que MAE, Bedjaoui est allé s'inscrire sur la liste des diplomates algériens accrédités à l'ambassade d'Algérie à Paris». Ce qu'ils ne trouvent pas normal c'est qu'«à partir du moment, disent-ils, qu'il n'est plus en fonction ni à Alger ni ailleurs, il n'avait pas à le faire». Du côté du ministère algérien des Affaires étrangères, il est souligné qu'ainsi «Bedjaoui a réussi à être retenu sur le bottin diplomatique du Quai d'Orsay».

Les candidatures au poste de DG de l'Unesco sont au nombre de 9 parmi lesquelles figurent, à l'instar de celle de Bedjaoui au nom du Cambodge, celle de Farouk Hosni proposée par l'Egypte et que soutient le Koweït, le Soudan et la Libye. Il y a quelques mois, l'Algérie avait soutenu cette candidature publiquement et officiellement mais aujourd'hui son nom ne figure pas en tant que tel dans le communiqué de l'Unesco. Tout porte à croire qu'Alger éprouve une grande gêne à devoir fermer les yeux sur la candidature d'un de ses citoyens - Bedjaoui - au nom d'un pays étranger et en même temps soutenir une candidature égyptienne. C'est d'ailleurs, selon certains, ce qui aurait provoqué les «quiproquos» au sein du sérail cambodgien. Alger aurait donc, selon certaines sources diplomatiques, tenté de convaincre le palais royal de «laisser tomber Bedjaoui». Ce dernier nous a cependant affirmé hier qu'il était rassuré par le soutien de la famille royale. «Vous avez vu la déclaration du prince à ce sujet, vous savez que le palais royal est au-dessus de tout et de tous. Et pour cela, l'ambassadeur du Cambodge est venu chez moi pour s'excuser à propos de ce qui a été dit par le porte-parole du MAE cambodgien. Le Premier ministre cambodgien appuie ma candidature», nous dit-il convaincu. Déçu, il lancera «je suis en train de me battre, à mon âge et à la fin de ma vie, au lieu de travailler pour avoir d'autres appuis». Il est convaincu aussi qu'«il y a beaucoup de forces obscures qui agissent contre sa candidature».

Benita Ferrero-Waldner, la responsable à l'Union européenne, est elle aussi candidate au nom de l'Autriche soutenue par la Colombie. Pour l'instant, mis à part le Cambodge qui le présente, Bedjaoui n'est soutenu par aucun pays mais sa candidature est bel et bien sur la liste rendue publique avant-hier par le Conseil exécutif de l'Unesco. Une liste arrêtée légalement par les membres du Conseil au 31 mai dernier. Tous tentent leur chance pour succéder au Japonais Koïchiro Matsuura dont le 2e mandat à la tête de l'Unesco prend fin en novembre 2009. C'est lors de sa 182e session qui se tiendra du 7 au 23 septembre prochain que le Conseil exécutif examinera «en séance privée» les candidatures proposées. Il votera également en séance privée au scrutin secret et à la majorité des suffrages exprimés.