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«Nous sommes la
triste opacité de nos spectres futurs.» Mallarmé
A pas feutrés, les relations algéro-françaises enregistrent de timides avancées, mais avancées quand même comparées aux périodes de grandes crispations qui ont régulièrement caractérisé un binôme pourtant essentiel en Méditerranée, en Afrique et par l'importance des flux humains, culturels, économiques et linguistiques qui font de l'Algérie le deuxième pays francophone au monde après la France. Parmi les dossiers sensibles encore en litige entre les deux pays figurait, et on peut en parler au passé selon les déclarations de responsables français, l'indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires français dans le Sahara. Solidarité exige, des victimes françaises seront elles aussi bénéficiaires des dites indemnisations destinées à des personnes ou des populations atteintes de certaines pathologies arrêtées par décret. Ce dossier peut donc être considéré, nonobstant les modalités et procédures, clos. Il reste donc à formaliser un accord bilatéral sachant que «l'Algérie est un Etat souverain et indépendant» comme l'a souligné Hervé Morin, ministre français de la Défense. L'autre dossier, en apparence plus compliqué, concerne la mémoire et l'histoire partagées par les deux pays. Sujets polémiques par excellence, chargés de souffrances de tout un peuple durant toute la période coloniale qui s'est achevée au prix de sacrifices inimaginables, durant lesquels de jeunes Français du contingent ont payé de leur vie pour satisfaire les appétits des gros colons et ceux du capitalisme français pour lesquels l'Algérie était un immense marché, un gigantesque jardin potager et le pays de cocagne. Cette page aussi, si elle appartient dans son écriture aux seuls historiens et chercheurs qualifiés, mérite d'être tournée. De la sincérité, de l'imagination, du courage politique et la mise à jour de consciences en accord avec elles-mêmes, avec l'humanisme et surtout tournées vers l'avenir, peuvent être le levain de relations nouvelles entre l'Algérie et la France. La repentance, c'est de cela qu'il s'agit, d'essence plus religieuse que politique n'est pas à l'ordre du jour. Elle n'est pas non plus un préalable indépassable pour la partie algérienne. C'est ce qui ressort explicitement des déclarations faites par M. Ziari, président de l'APN, lors de ses rencontres avec les présidents des groupes représentés à l'Assemblée nationale française. Longtemps avancé comme une manœuvre ou une bouderie du président Bouteflika, le report de sa visite à Paris est une simple péripétie du calendrier comme il en arrive tant dans les relations internationales à tous les niveaux. Selon M. Ziari, et on peut aisément comprendre qu'il s'agit d'une option au plus haut sommet, la repentance «ne constitue nullement un point d'achoppement, ni un préalable ou condition fixée par l'Algérie». La clarté du propos à même de faire sauter une série de verrous, démontre que sur ce chapitre l'Algérie a fait sa part d'innovation au niveau de la terminologie. De leur côté, les dirigeants français ne manquent ni d'intelligence ni d'imagination et encore moins d'une juste perception des intérêts et avantages mutuels pour que s'élabore un partenariat privilégié, durable pour que chacun des deux pays joue son rôle et affiche de légitimes ambitions. Comme ne cesse de le répéter l'historien Mohamed Harbi, dont le passé anticolonialiste et la compétence reconnue par ses pairs sont indiscutables, tout le peuple français n'est pas coupable de crimes, mais un Etat a des responsabilités, à hauteur de sa légitimité. L'UPM dont la construction ne peut se concevoir sans l'Algérie est en panne. La vouloir avec les seuls Egypte, France et Israël est une rêverie sans avenir. La colonisation de larges espaces de la Palestine, les crimes commis à Ghaza, la décolonisation du Sahara Occidental sont des dossiers chauds, qui bloquent l'UPM et d'autres perspectives pour lesquelles l'Algérie et la France sont incontournables. Israël et l'intenable position du palais marocain travaillent avec entêtement, malgré les résolutions de l'ONU, pour générer des impasses préjudiciables, y compris pour l'Etat juif comme il se définit. En attendant que «la communauté internationale» sous influence et réduite à quelques pays et à des médias influents, pose avec courage la problématique du nucléaire militaire pour tous, Israël compris dans le lot. Sinon, de nombreux peuples et gouvernements se placeront résolument du côté de l'Iran et de la Corée du Nord. La politique qui place Israël au-dessus de l'ONU, des droits de l'homme et du monde est suicidaire pour l'humanité. En cette période, durant laquelle s'affichent des récessions, de grands mouvements sociaux, des faillites, du chômage à la hausse, le patriotisme économique et le protectionnisme sont des hymnes partagés. Des présidents mouillent le maillot à l'image de M. Sarkozy qui vend aux Emirats un clone du Louvre, de la culture française (ce qui est un bon placement d'avenir) et des avions de guerre. Ces derniers qui ne serviront jamais sont pourtant négociés. Pourquoi ? Pour aider les industries et l'économie françaises avec en prime une base militaire sous autorité française. Pendant que l'Italie s'inquiète de l'avenir de la Scala de Milan et que l'Espagne, un roi démocrate en tête savourent la victoire de Barcelone, on enterre ici dans la clandestinité soldats, gendarmes et policiers. Sans qu'aucun parti du pouvoir ou dans l'opposition et encore moins le Parlement ne haussent le ton pour condamner des crimes inqualifiables pour mobiliser contre la bête comme cela se fait dans les grandes démocraties après une seule victime. Un député, sans doute génétiquement plus patriote que ceux qui ont pris les armes et péri face au terrorisme, s'escrime (contre d'éventuels «traîtres») pour «la généralisation de la langue arabe» dont il est sûrement un expert reconnu dans le monde pour ses travaux sur la linguistique, l'histoire, la grammaire et la terminologie pour faire de cette langue celle de la recherche nucléaire, de la médecine et l'informatique. A chacun sa rente ! Un autre agitateur, sans agrément, dans un pays où il y a encore une violence terroriste, une jeunesse TNT, décrète avec moult rictus que «les laïques sont des traîtres». Ce prédicateur connaît-il, ne serait-ce que vaguement, la Constitution ? Au mépris des articles 32-34-36, ce prédicateur, dans le silence complice, sous-traite au deuxième degré pour des sectes hybrides qui envoient des Algériens faire la tournée des kiosques pour leur interdire la vente de cigarettes, et des cafés, donner des cours sur les dangers du tabac en un jargon religio-moralo-obséquieux qui ressemble à celui d'un ET épileptique. La violence est donc reproduite tous azimuts, démultipliant le nombre de traîtres qui aurait grimpé à 42 millions sur une population de 37 millions. «Les laïques sont des traîtres». Hélas, le ridicule ne fait pas attraper la fièvre porcine, mais il peut armer des bras assassins. Mais pourquoi, faute d'être accusé de complicité, ne pas déposer plainte devant les tribunaux contre ces traîtres ? L'objectif est simplement de créer, de reproduire des violences symboliques comme celles qui ont entraîné des Algériens à égorger d'autres Algériens. C'est de l'incitation au meurtre pour crimes de laïcité et de «trahison». Devant cette nouvelle police politique des moeurs, antitabac qui désigne les fumeurs, les traîtres laïques, on parle avec désinvolture de tourisme là où on ferme les bars et bientôt les kiosques à tabac. C'est prendre les touristes pour des idiots pal/secam. Il faut juste instaurer la double peine «laïque et fumeur». On confond allégrement laïcité et athéisme, on traite son voisin de traître, on insinue que le président de l'APN n'est pas assez patriote, qu'il est presque... et on demande à une république laïque où toutes les religions et l'athéisme sont pratiqués en toute liberté, de faire acte de repentance. Avec autant de traîtres et de fumeurs, faut pas rêver ! |
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