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Mirage d'un hiver à Adrar

par Moncef Wafi

Aussi fastidieux qu'une chronique zappée, aussi court et travesti que la mémoire officielle, aussi lâche qu'un faux moudjahid tirant sur des civils français pour coloniser leur toit, aussi inutile que des observateurs étrangers un jour de vote, le raisonnement à l'algérienne fatigue, et le temps et l'espace. Un raisonnement à l'absurde qui voit le monde au pas de sa porte et ne fournit aucun effort pour le toucher. Qui s'attarde sur le détail insignifiant pour rater l'essentiel. Qui s'interroge sur le comment des choses, jamais sur le pourquoi. De ces interminables jérémiades sur le sort qui s'acharne, sur la prédation du pouvoir, sur le réchauffement climatique et sur le prix de la pomme de terre, naît, qu'on le veuille ou non, la petitesse d'un peuple qui se veut toujours à l'ère de l'assistanat primaire. Un pays qui se noie dans un verre d'eau est forcément l'image que prête l'Algérie à la vitrine du monde. Un monde en perpétuel mouvement vers l'avant alors que le pays, immobile dans sa volonté d'aller de l'avant, s'ingénie à refaire l'histoire au passé. Que ce soit les Algériens d'en haut qui regardent ceux d'en bas ou ceux d'en bas qui baissent la tête pour ne pas trébucher sur les nids-de-poule de la République, l'attente d'un quelconque et hypothétique événement est le passe-temps idéal d'un pays en rade, le sport national par décret. L'espoir d'un mieux ou au pire d'un temps suspendu, comme disait Matrix, reste la seule devise qui s'applique à une politique attentiste qui ferait pâlir de jalousie Giovanni Drogo, le personnage emblématique du «Désert des Tartares» de Dino Buzzatti. Ce raisonnement qui veut que chaque chose soit à sa place, que rien ne bouge et vienne déranger la quiétude immuable des constantes nationales, s'est installé, et définitivement, dans la conscience collective et les moeurs politiques, ce qui fait que le moindre vent de changement, la moindre volonté de bouger les choses est perçue fatalement comme une tentative de désobéissance civile, vertement condamnée par les tenants du pouvoir et leurs vassaux. N'a-t-on pas dit qu'un simple battement d'aile de papillon au Japon peut provoquer un tsunami à Adrar, alors ! Mais en Algérie, les morts d'octobre 1988, de Kabylie en 2000, les émeutes un peu partout, même s'ils ne sont que des «vulgaires» incidents vite oubliés n'ont provoqué ni tsunami, ni changement du raisonnement à l'algérienne.