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Les nourritures terrestres

par Aissa Hirèche

Ils ont eu envie d'un burger. Ils ont fait ce que font tous les hommes dans ce cas, c'est-à-dire se le payer, quant ils le peuvent, dans un fast-food. Eux, ce sont Barack Obama et Joe Biden. Juste le président des Etats-Unis et son vice-président. Autrement dit, les deux plus puissants hommes au monde du moment. C'était le 5 mai dernier. Et, pour l'anecdote, c'était Obama qui paya pour les deux. La chose en soi n'a pas de quoi étonner. Le monde a déjà connu de tels comportements d'hommes importants et, soyons-en sûrs, il en connaîtra. Rappelons, simplement et à titre d'exemple, qu'Olof Palme a été assassiné dans une rue de Stockholm alors qu'il sortait d'une salle de cinéma avec son épouse.

Ce qui étonne, par contre, c'est que de tels comportements ne risquent pas de se produire d'un certain côté de l'humanité. Il est, en effet, des endroits dans ce monde où, dès qu'on a l'ombre d'un cheveu de pouvoir, on commence par être invisible. Inaccessible. Trop protégé. Trop privilégié. Trop entouré. Au point où, souvent, les épouses et les enfants sont perdus de vue par ceux qui, s'enfonçant chaque jour un peu plus dans les délices d'un entourage mensonger, ne savent plus s'ils ont un chez-soi.

L'image diffusée par la télévision d'un Obama en chemise, commandant son cheeseburger debout devant le comptoir comme tout le monde, devrait être montrée à ceux qui, après avoir mangé des poids chiche et des lentilles toute leur vie et à ne plus en pouvoir, se mettent soudain à n'accepter de manger que dans de grands restaurants gastronomiques. Comme si les fonctions de cadre de l'Etat ne s'assument que par... le ventre.

La vie est simple. Elle peut même être très simple. Pour peu que l'on ne se laisse pas prendre à ce terrible jeu de rôle qui fait croire à certains élus en panne de personnalité qu'ils peuvent devenir des saints, des immortels, ou même plus. Rien ne peut durer dans ce bas monde. Ni le pouvoir, ni l'argent, ni même les alliances tissées ça et là au rythme des jours et à la cadence des humeurs ou des intérêts.

Qu'un président des Etats Unis s'envoie un croûton comme tout le monde, avec tout le monde, ceci n'étonne que peu, très peu de gens. Ce qui serait étonnant, c'est que cela se passe chez ceux dont pourtant les ancêtres avaient marqué le dédain le plus fort pour le pouvoir et l'argent, c'est-à-dire pour ces vulgaires nourritures terrestres. Omar Ibn el-Khattab, à la tête de l'un des plus grands empires qu'ait connu le monde, prenait bien sa sieste à l'ombre d'un arbre.