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Obama n'est pas le coursier de la démocratie

par K. Selim

Faut-il trouver à redire sur le choix de Barack Obama de s'adresser au monde musulman à partir de l'Egypte ?

Certains militants des droits de l'homme lui en font le reproche en faisant valoir qu'il y avait dans la vaste aire islamique des pays authentiquement démocratiques qui auraient été les mieux indiqués. Mais ce reproche présuppose que l'Etat américain est animé d'une volonté de diffuser la démocratie dans le monde musulman, ce qui n'est guère confirmé par des décennies de politique américaine. Le thème de la démocratisation a été enfourché de manière totalement hypocrite par l'administration Bush pour se donner un «air» après l'invasion de l'Irak. Et c'est d'ailleurs demeuré au stade du discours, sans plus.

Il faut donc prendre acte du fait que Barack Obama, en allant au Caire pour s'adresser à l'ensemble du monde islamique, fait preuve du réalisme le plus plat. Il va chez l'un des alliés les plus sûrs des Etats-Unis ; ses bilans en matière de droits de l'homme ou de démocratie sont secondaires. « Le danger, je pense, c'est quand les Etats-Unis ou un pays quelconque pensent que nous pouvons simplement imposer ces valeurs à un autre pays, qui a une histoire différente et une culture différente ». Voilà donc qui est dit et cela plaira sans doute à toutes les démocraties très «spécifiques» du monde arabe.

M. Barack Obama n'arrive pas en coursier de la démocratie. Ce qu'il veut - et ce ne sera pas difficile après les mandats désastreux de George W. Bush -, c'est d'abord essayer de corriger la très mauvaise image des Etats-Unis dans le monde musulman. Et surtout, il cherche à ménager, préserver et renforcer les intérêts américains dans le monde arabo-islamique. Il le constate d'ailleurs avec beaucoup de clarté : «La trajectoire actuelle dans la région est profondément négative, non seulement pour les intérêts israéliens, mais aussi pour les intérêts américains».

On comprend dès lors parfaitement que le président américain ne va pas chercher à brusquer les alliés des Etats-Unis comme l'Egypte et tout ce que l'on appelle l'axe «modéré». La démocratie n'est pas le sujet le plus important pour les Etats-Unis et cela a toujours été le cas même quand les idéologues néoconservateurs faisaient mine de croire à l'effet «vertueux» de la «démocratie irakienne». Le président américain lâchera peut-être quelques phrases générales sur la démocratie et les droits de l'homme pour répondre éventuellement à quelques attentes des ONG. Ce n'est pas sur ce registre que les opinions arabes et musulmanes, qui ne sont pas dupes, l'attendent. Le plus important reste la politique américaine au Moyen-Orient.

Certains dans le monde arabe semblent avoir une attente démesurée en croyant qu'un rééquilibrage de la politique étasunienne est possible. En réalité, la seule chose que pourra offrir Barack Obama sera un énoncé de ses divergences avec Israël sur la poursuite de la colonisation des territoires occupés et sur la création d'un Etat palestinien. Mais ce constat de divergences ne se traduira pas par des actions et encore moins des pressions sur Israël. Avant même de débarquer au Caire, le président américain a fixé la ligne. Nous n'allons pas «modifier le soutien ferme que les Etats-Unis apportent à Israël». En clair, sur le fond et dans les actes, la politique américaine ne changera pas. Il ne restera que des responsables arabes qui, comme chacun le sait, sont très sensibles à la magie du verbe, pour croire que les choses ont changé ou que les lignes ont bougé...