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Fête des supporters du MCO: Les Oranais se réconcilient avec leur cité

par Ziad Salah

Les premiers klaxons des voitures des supporters du MCO résonnèrent en ville dès le coup de sifflet final de la rencontre.

En attendant l'arrivée de la foule du stade, certains automobilistes étalant des drapeaux sillonnèrent les artères du centre ville. Ce qui a été assimilé comme un signal pour les magasins de baisser leurs rideaux. Les badauds se sont alignés le long des trottoirs pour attendre l'arrivée des cortèges de voitures. La rue d'Arzew a été un des premiers lieux de ralliement des fans du club oranais venant de signer son retour parmi l'élite du football national. Venant de toutes les directions, des véhicules de tout genre se sont retrouvés aux environs de la place des Victoires. Bloquant carrément la circulation, notamment des bus desservant les quartiers est de la ville. La première démonstration de la « fiesta » a eu lieu à cet endroit. On descend des véhicules pour scander certaines chansons du répertoire de la galerie du MCO, on allume des fumigènes et on ne se prive pas de danser. Certains, à l'aide d'instruments de musique, ne s'empêcheront pas de faire les « guignols ». Tel ce jeune homme d'une vingtaine d'année qui se donnera en spectacle avec sa trompette, sa gestuelle et son accoutrement. Faisant preuve de beaucoup de sang froid, des agents de la circulation ont commencé à « décongestionné » la rue pour libérer la circulation. Sans la moindre résistance, les « fêtards » ont emprunté le boulevard Tripoli pour se retrouver ailleurs.

Le second grand regroupement des supporters motorisés a eu lieu place Karguentah. Il durera beaucoup plus que celui de la rue d'Arzew, parce qu'il sera rejoint par une foule plus nombreuse de piétons colorée de rouge et blanc. Même ici, on assiste au spectacle des chants et danses avec fumigènes. Le rassemblement s'ébranla aux environs de vingt heures. Les véhicules et les motos reprennent leur tour d'honneur à travers les quartiers de la ville, par contre les piétons entament une descente vers le centre ville. Avant d'accéder à la rue d'Arzew, ils empruntent le boulevard Emir Abdelkader. Une bande de jeunes motorisée se donne rendez-vous au rond-point pas loin du Sheraton. Précisons que ce rond-point est devenu une sorte de halte des cortèges des fêtes de mariage notamment. Le même scénario se reproduira ici : on quitte un moment les engins pour danser, chanter ou tout bonnement crier. La fraîcheur du soir obligera certains qui étaient torses nus à se revêtir. Faisant bande à part, certains habitants des quartiers huppés feront des allers et venues tout au long du boulevard Maâta et boulevard Mascara. C'est là qu'on relèvera des voitures conduites par des jeunes femmes. Le foot demeure une affaire d'hommes et la fête d'avant-hier l'a magistralement démontrée. Sauf l'exception relevée, « la seconde moitié du siècle » (pour reprendre l'expression de Mao désignant les femmes) a été réduite au statut de spectateurs, notamment dans les principales artères de la ville.

Accusant le coup de la fatigue, parce que mobilisés depuis la matinée, des supporters rejoignent leurs quartiers pour assister au second volet de la fête. Mais des « retardataires » continuent de sillonner les artères de la ville en marquant leur passage par des klaxons notamment. Le simple observateur de la démonstration juvénile d'avant-hier relèvera la grande emprise des chaînes de télévision étrangères sur la jeunesse. A côté de l'emblème national, très minoritaire il faut le souligner, celui du MCO a été noyé dans une forêt de drapeaux de clubs européennes. A commencer par celui aux couleurs du Barça, le club catalan, apparemment très populaire à Oran. Certains jeunes ont même exhibé et haut les couleurs du royaume Ibérique, probablement « héritées » lors du passage de Juan Carlos à Oran. Le drapeau du Royaume Uni, un autre pays où le foot a presque le statut de religion, a lui aussi participé à ce patchwork des emblèmes. Mais ce qui était presque un intrus est le drapeau des pacifistes, aux couleurs de l'arc en ciel, frappé au milieu par l'inscription PACE. Ce dernier a fait son apparition lors des gigantesques manifestations contre la guerre d'invasion de l'Irak par les américains. Comment a-t-il débarqué à Oran parmi les fans du MCO ? Allez savoir_. D'autre part, dans une sorte de course pour témoigner leur attachement au club oranais, chaque quartier a confectionné son propre drapeau rouge et blanc. De la place Valéro, on peut apercevoir celui portant la signature « les enfants de ?guarguenta' fidèle au MCO ». Le simple observateur relèvera la faute de non concordance. Mais selon un journaliste sportif, le plus grand emblème accroché est celui de la rue Maupas au quartier Saint Eugène et celui du quartier Derb. Au niveau du quartier de Victor Hugo et de Petit Lac, les couleurs du club oranais, accrochés presque à chaque porte, ont presque remplacé l'emblème national. Ce qui mérite une sérieuse réflexion.

Le vacarme des klaxons a cédé la place à la vraie fête dans des quartiers de la ville. A Saint Eugène, les supporters des « hamraouas » ont fait appel à un disc-jockey. La fête s'est prolongée très tard dans la soirée. Certains gosses, comme pour exorciser le souvenir des émeutes d'Oran de l'an dernier, ayant marqué la relégation du MCO, ont brûlé des pneus. On nous affirme que ce quartier, dont les jeunes sont réputés d'être des inconditionnels du club oranais, festoie l'accession de leurs idoles en première division depuis presque une semaine. Probablement par esprit de concurrence, les jeunes de Dar El Beida ont eux aussi essayé de marquer comme il se doit l'exploit de leur club. Eux aussi se sont payés les services d'un DJ. Notons que dans les quartiers périphériques, notamment à l'est d'Oran, à peine si quelques klaxons ont perturbé le calme y régnant.

Ce qu'on peut retenir de cette explosion de joie c'est qu'Oran manque d'une place pouvant servir de point de ralliement et contenir tout le monde. La centralité de la place du Premier Novembre est éclipsée par son encombrement. En tout cas, elle n'attire pas les jeunes des différents quartiers. D'un autre côté, la fête d'avant-hier a clairement montré le mimétisme des jeunes. En ville, ils ont essayé de reproduire à l'identique les mêmes images dispensées par la télé des fêtes des supporters des clubs étrangers. Malheureusement, l'absence de l'élément féminin est là pour signifier le caractère aléatoire de cette imitation. Mais au-delà, les jeunes oranais ont réussi avec brio d'effacer totalement le souvenir des événements du mois de mai de l'an dernier.

D'ailleurs, le choix des endroits investis par la foule, certes spontané, a été une sorte d'exorcisme des derniers mauvais souvenirs.