Ces
pêcheurs qui bravent chaque jour la mer. Apporter du poisson. Voilà leur
mission quotidienne. Terrienne. Ces poissons faiseurs de vie pour leur famille.
Le bonnet vissé sur la tête. Le regard aiguisé sans lunettes de protection.
Aiguisé d'avoir trop navigué à travers les bleus du ciel et de la mer sans
jamais s'être perdu. Toutes les couleurs dérivées du bleu primaire. Parfois
mêlées du rouge donnant une tertiaire proche de la mort. Ils ont appris et
dompté. L'œil s'est habitué depuis très longtemps. La beauté du lieu ne lui
fait plus l'effet des premiers instants. Celui des sirènes ensorceleuses. Leurs
bras sculptés de nervures tracées par de nombreuses aventures vécues sur les
flots. Le visage tels les récifs transformés par l'écume. Leur regard toujours
projeté au loin pour garder le cap. La tête relevée. Au milieu de la
Méditerranée, ils ont l'impression que le monde leur appartient. Sans sécurité
aucune. C'est leur liberté qu'ils vont chercher tous les jours en gagnant le
large. Quelquefois ils perdent la vie en voulant la gagner. Habillés de
guenilles pour ne pas abîmer leurs vêtements du civil, ils sont pourtant
magnifiques. Car ils savent être majestueux. C'est la mer, mère de tout
apprentissage. Ne la fréquente pas qui veut. Croyez-moi. Il faut mériter son
accueil. Elle forge le caractère. Loin des villes, ils sont confrontés à un
monde dont les codes sont un partage entre les valeurs de l'homme et celles de
la nature. Là, la mer impose sa suprématie. Faisant des pêcheurs des acteurs du
monde universel. Une fois, le bateau chamarre, arrimé sur la plage. Les pieds à
peine posés sur le sol. Les marins au contact des autochtones deviennent laids.
De trop d'empressement, ils quittent leur cargaison au profit de gargotes où
seuls les estomacs sont maîtres. Avec des règles de marché imposées aux
pêcheurs perdants. Hout yakoul hout. Qui sait que demain sera la même journée ?
Il ira prendre un peu de bonheur au loin pour faire face au malheur du monde.
Sale et sans poésie. Dieu seul sait. Dieu seul sait pourquoi la sardine pendant
des mois était introuvable sur nos marchés.