Chacun de nous a pu constater, ces derniers
mois, l'absence ou la rareté du poisson sur les étalages des marchés sinon la
présence de quelques cageots de sardines, de rougets ou de merlans, pour ne
citer que les poissons les mieux connus, pêchés trop prématurément. Les
produits en question n'atteignent souvent guère l'envergure minimale ou taille
marchande prévue par la réglementation. Sous stock ou surexploitation, la
question est la même si toutefois une menace passe impérativement par une
gestion rationnelle accompagnée de mesures adaptables, d'où une responsabilité
partagée (professionnels, scientifiques et l'administration). C'est là la
recommandation fondamentale issue d'une journée de sensibilisation que vient
d'organiser, ce lundi à Béni Saf, la chambre nationale de la pêche en
collaboration avec celle de Aïn Témouchent, à l'adresse des professionnels de
la pêche exerçant au niveau des deux ports de la wilaya. La manifestation
scientifique s'est déroulée à l'école de pêche en présence du DG de ladite
chambre nationale, M. Tewfik Rahmani, et de plusieurs cadres du secteur de la
pêche dont le DPRH, M. Djamel Taberkouket. Dans une brève allocution, le
premier cité à insisté sur une vision globale visant à organiser la profession
tout en instaurant une tradition et de mettre des canaux de communication entre
tous les partenaires. Au menu, quatre communications, toutes centrées sur les
moyens à mettre en marche pour garantir la préservation de cette ressource
halieutique. Le CNRPA (Centre national de recherche sur la pêche et
l'acquaculture de Bousmaïl) a présenté trois d'entre elles, le président de la
chambre de pêche de Tlemcen, lui aussi scientifique, a complété le lot. En
mouture, les communications, très riches en enseignements, se sont croisées
principalement sur les mesures de la gestion de la ressource et de leurs
impacts. Des mesures de protection qui prônent sur le repos biologique, soit la
fermeture temporaire ou permanente de la pêche afin de préserver les immatures,
sur la taille minimale marchande, la réglementation des maillages des engins de
pêche et sur l'interdiction de la pêche dans les réserves marines (en Oranie,
l'île de Rachgoun). Le repos biologique (ou l'arrêt de pêche) est une mesure qui
est appliquée en Algérie depuis plusieurs années mais trop souvent piétinée. Il
s'agit en effet d'une période au cours de laquelle une partie ou toute
l'activité de pêche est arrêtée. L'article 5 de l'arrêté ministériel du 12
juillet 2004 fixe les limitations d'utilisation des chaluts pélagiques,
semi-pélagiques et du fond dans le temps et dans l'espace où l'usage de ces
engins à l'intérieur des 3 milles nautiques est interdit de jour comme de nuit,
du 1er mai au 31 août de chaque année. En terme d'envergure minimale, le
poisson capturé doit avoir une taille marchande conforme à la règlementation en
vigueur (D.E. 04-86 du 18 avril 2004). Là on rappellera que la taille est
mesurée selon l'espèce, par exemple du museau à la caudale pour les poissons,
et la longueur céphalo-thoracique pour les crustacés. A titre indicatif, pour
la sardine (11 cm), l'anchois (9 cm), le rouget (15), la crevette rouge (4), la
crevette blanche (2,5), la langouste rouge (10) et la langoustine (5).
Préserver la ressource exploitable revient à empêcher aussi la surexploitation
des stocks (ressources biologiques), la commercialisation des produits non
réglementés, d'assurer la croissance des individus immatures donc régénération
du stock pour parvenir à améliorer les revenus des professionnels. Là les
communicants rappellent que même si les ressources halieutiques sont
auto-renouvelables, c'est-à-dire capables de se renouveler en permanence grâce
à la croissance des individus et l'augmentation de la population par le bais de
la reproduction et recrutement, la dynamique de leur stock dépend de ses
entrants et de ses sortants. La différence réside dans la mortalité survenue en
pêche due en général aux paramètres néfastes. Dans une population en équilibre,
le processus de perte qui correspondant à la mortalité naturelle et par pêche
devrait être équivalent en moyenne au processus de croissance et recrutement.
Il faut donc protéger l'habitat. Certains engins peuvent avoir des effets
graves sur l'habitat benthique d'où la disparition remarquée de certaines
espèces. Ces habitats sont dans les zones côtières, lieux où généralement les
juvéniles se rassemblent dans les herbiers pour se protéger des prédateurs. Le
passage d'engins peu suffire pour détruire ces habitats. Il faut éviter de
faire des chalutages à l'intérieur des zones ayant des profondeurs de moins de
50 m. La production ou la ponte a lieu dans les eaux littorales peu profondes
et après un certain temps, les jeunes émigrent vers les zones de pêche. Les
immatures (oeufs, larves, alevin, juvénile) destinés à grossir les effectifs
ainsi que les femelles «grainées» sont très vulnérables. Elles ont besoin
d'être protégées contre la prédation et d'une nourriture différente de celle
des individus âgés. Aucune mesure réglementaire n'atteindra ses objectifs,
clame le scientifique de Tlemcen, si une prise de conscience n'est pas partagée
par tous les professionnels. Enfin, dans la sphère du monde marin, l'on est
conscient. Car, l'on a toujours dénoncé soit l'usage de la dynamite, les
méthodes de pêche ou encore les engins de pêche et bien d'autres causes. Et
comme l'a si bien souligné l'un d'eux, Dieu merci, on est loin des systèmes de
quotas de pêche appliqués dans l'autre rive de la Méditerranée, cependant il
faudrait réguler l'effort de pêche, c'est-à-dire appliquer rigoureusement
l'arrêt biologique. L'arrêt peut contribuer à faire profiter les pêcheurs de la
croissance pondérale accumulée, d'assurer la réussite de la reproduction,
sécuriser le recrutement, de garantir la protection des nourriceries, du repos
pour l'écosystème (biotope) et d'améliorer l'aspect commercial. Cependant, la
concertation entre les trois acteurs de la pêche (administration, scientifiques
et professionnels) est nécessaire pour la prise de décision qui doit se baser
sur l'avis scientifique, sans oublier de prendre en considération l'aspect
socio-économique du pêcheur ou du professionnel. Il faudrait encourager les
synergies, la communication et la coopération.