Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Oran: 10 ans de prison requis contre l'ex-patron des RG

par Houari Saaïdia

Le procès de l'ex-chef des Renseignements généraux (RG) d'Oran a rempli, hier, le petit prétoire du tribunal correctionnel d'Arzew. La police y était présente en force. Nombre d'officiers de police étaient attendus à la barre.

Après l'appel de toutes les parties prenantes dans l'affaire, tout le monde s'attendait à ce que la juge donne le coup d'envoi aux débats contradictoires. Surprise, Me Fahim Hadj Hbib, à la tête du collectif de la défense, monte au créneau et jette un pavé dans la mare. Se référant à l'article 331 du code de procédure pénale relatif à «l'exception préjudicielle», il réclame la nullité des P-V de perquisition. Le schéma est simple: si la défense parvient à ce résultat, c'est-à-dire la nullité des procédures à l'origine de l'action, c'est toute l'accusation qui s'effondre. C'est que ces P-V établis par la commission ayant mené la fouille dans le service des RG constituent l'élément majeur de l'acte d'accusation. Qu'y avait-il d'anormal dans ces rapports ? «Des vices de forme en foule», déplore Me Fahim. Pour le démontrer, l'avocat ouvre une rafale de questions sur les signataires de ces documents, cités en témoins.

L'un après l'autre, les enquêteurs d'Alger dépêchés par le patron de la DGSN à Oran, début décembre 2008, dans une mission délicate frappée de haute confidentialité visant à faire la lumière sur le service des RG d'Oran, ainsi que les éléments d'Oran qui ont participé à la perquisition du «pavillon», ont eu à s'expliquer sur les zones d'ombre de l'opération du 1er au 4 décembre dernier. Ce dernier point, la date, est justement «la zone la plus obscure» de l'affaire, selon la défense. Les inspecteurs rédacteurs des P-V de perquisition ne parlent dans leur rapport transmis au parquet d'Oran que de la fouille du 2 décembre et celle du 4. Or, selon le commissaire mis en cause, «il y a eu une première perquisition, en ma présence, le 1er décembre». Fait confirmé devant le juge d'instruction par les deux officiers d'Oran ayant assisté à l'opération.

Après avoir ouvert armoires et tiroirs du bureau de Benoumari Kamel, les enquêteurs ont pris trois ou quatre dossiers «top secret» et se sont rendus au siège de l'Inspection régionale de la police de l'Ouest (IRPO), situé à Es-Seddikia. «Or, bizarrement, on ne trouve pas dans le dossier un P-V du 1er décembre. Pourquoi ?», s'est interrogé Me Fahim. Cependant, le kif n'a été découvert, selon le PV de perquisition daté du 4 décembre, qu'en cette date, soit au quatrième jour de l'opération.

«En présence de Benoumari Kamel, nous avons trouvé dans la partie droite de son bureau, exactement dans le deuxième tiroir, un petit morceau de résine de cannabis enveloppé dans une notice de médicament et une boîte à cigarettes de marque Royal Light contenant 19,48 grammes de kif ainsi que 3 cassettes vidéo de type 8 mm sur lesquelles étaient enregistrées des séquences des ébats sexuels du concerné avec sa deuxième épouse, plus un album de photos indécentes...», indique le P-V cosigné par deux commissaires et un commissaire principal.

Mais le détail le plus intrigant, selon les avocats de la défense, c'est «la non-conformité des P-V transmis par les enquêteurs au parquet d'Oran avec ceux envoyés par les services de police centraux d'Alger à la faveur d'une injonction du juge d'instruction». Soulignant la gravité des faits, a fortiori qu'il s'agit là d'un commis d'Etat, d'un responsable de la police judiciaire, le représentant du ministère public a requis 10 ans de prison ferme contre l'accusé. Le tribunal a mis en délibéré l'affaire au 17 mai.