Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les rêveurs éveillés

par Kharroubi Habib

L'entourage proche du chef de l'Etat en charge du contact avec la nébuleuse des comités et associations de soutien, a dû certainement prendre la mesure de la consternation et de la colère qui s'expriment dans ces milieux après que, réélu et investi, Bouteflika eut opté pour la reconduction de l'équipe gouvernementale en place et le statu quo dans les autres démembrements de l'appareil étatique.

Pour mettre un peu de baume au coeur de cette faune de courtisans, s'estimant avoir été frustrée du retour d'ascenseur dont elle estime devoir bénéficier en récompense de sa contribution électorale, l'entourage présidentiel a organisé des rassemblements pour lui exprimer la reconnaissance du Président réélu. C'est au cours de ces rencontres entre gens du même monde que fut distillée la confidence que la reconduction du staff exécutif n'est qu'une option de transition à laquelle Bouteflika a eu recours pour se ménager le temps nécessaire de finaliser la prospection des «compétences» à promouvoir en son troisième mandat.

Vraie ou fausse, la confidence a eu l'effet d'atténuer les déceptions provoquées en ce milieu de ne pas avoir été aussitôt distingué et récompensé et a relancé le grenouillage pour être en position de figurer parmi les heureux élus des promotions annoncées.

Oubliant donc la peur d'avoir été les dindons de la farce, le monde de la nébuleuse présidentielle en est à supputer sur le prochain remaniement ministériel, donné pour acquis, sinon au courant du mois prochain, du moins avant la rentrée sociale et politique.

Les «bouteflikistes» purs et durs, eux-mêmes un moment désarçonnés par le maintien en poste de l'équipe gouvernementale, se sont repris et se répandent en prévisions donnant le troisième mandat de leur héros comme devant être le temps de changements fondamentaux dont il serait en train de peaufiner les contours. A les en croire, Bouteflika est déterminé à provoquer l'évolution du système dans une direction plus démocratique et d'ouverture à la société civile, voire à l'opposition. Une conviction qui leur fait décrypter le débat provoqué par la revendication de dissolution de l'Assemblée populaire nationale martelée par la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Mme Louiza Hanoune, comme une sorte de sondage destiné à évaluer l'état d'esprit et les attentes de l'opinion publique.

En politique, seuls comptent les faits ; et en inaugurant son troisième mandat par une décision qui a valeur de confirmation de l'esprit de continuité dont il s'est réclamé en tant que candidat, Bouteflika a plutôt émis le message qu'il ne sera pas l'homme de remises en cause qui contraindraient le système à desserrer le carcan dans lequel il a enfermé le pays, l'Etat et la société. Ceci est toujours la réalité post-9 avril. Tout ce qui est prêté au Président réélu en terme de changement n'est pour l'instant que spéculation.