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Une «voie originale» pour tourner la «page noire» de l'histoire coloniale. C'est le message, au ton remarquablement modéré, du président Abdelaziz Bouteflika, à l'occasion de la commémoration des massacres du 8 mai 1945. Le contenu de la «voie originale» ne se devine pas. Le message a surtout désigné ce qu'elle n'est pas. Dans le texte, lu par Mohamed Ali Boughazi, conseiller à la présidence, le chef de l'Etat estime que «pour tourner définitivement cette page noire de l'histoire», il faudrait aux deux pays et aux deux peuples de trouver «ensemble» la voie originale qui permettra de «surmonter les traumatismes causés au peuple algérien par l'Etat colonial français», des traumatismes qui «continuent, souvent inconsciemment, à modeler nos consciences et nos manières d'agir». Difficile de deviner ce que pourrait être cette «voie originale». En l'état actuel des choses, les «offres» n'existent pas. Le président français, Nicolas Sarkozy, a d'ailleurs oeuvré, alors qu'il n'était que ministre de l'Intérieur, à se faire une image en insistant sur le refus de présenter des excuses pour les crimes coloniaux. «On ne peut pas demander aux fils de s'excuser des fautes de leurs pères», avait-il déclaré. Comme en écho à ce thème, le message lu par Boughazi souligne que l'on ne peut «faire porter au peuple français tout entier la responsabilité des malheurs et des souffrances qu'en son nom le colonialisme français nous a imposés». Il reste donc à trouver la «voie originale» qui permettra également d'établir «entre l'Algérie et la France, entre le peuple algérien et le peuple français des rapports authentiques d'amitié sincère et véritable dans une coopération où chacun trouvera son intérêt et des raisons d'espérer dans l'avenir». Refus de laisser l'affaire aux historiens et aux sociétés civiles Une ouverture française est improbable. Les ambassadeurs français Hubert Colin de la Verdière puis Bernard Bajolet ont fait des petits pas en qualifiant les massacres du 8 mai de «tragédie inexcusable» pour le premier et «d'épouvantables massacres» pour le second. Apparemment, Paris n'entend pas aller plus loin d'autant que le président Nicolas Sarkozy joue sur la fibre nationaliste pour occuper l'espace de l'extrême droite. Au cours de sa visite officielle en 2007, en qualité de président, Nicolas Sarkozy a admis que le «système colonial a été profondément injuste» sans pour autant accepter l'idée de présenter des excuses. Le texte du président Bouteflika ne donne aucun aperçu sur cette fameuse voie qui permettrait de surmonter le blocage. Par contre, s'il énonce de manière claire et sans surprise son rejet de la glorification du colonialisme, il rejette également l'idée qu'il faut s'en remettre aux historiens et aux sociétés civiles pour faire avancer les choses. «Les discours récents sur le caractère prétendument positif du colonialisme et les initiatives visant à laisser le soin aux historiens et aux sociétés civiles de reconstituer cette période de violence et d'atteinte aux droits et à la dignité du peuple algérien sont loin de contribuer à rétablir la vérité et à rendre justice à l'Algérie pour le mal que nous avons subi». Si pour la glorification du fait colonial, la chose est entendue, le refus de s'en remettre aux historiens et aux sociétés civiles signifie que le contentieux est d'ordre politique et doit être traité au niveau des deux Etats. Si le président a relevé que la date du 8 mai 1945 «porte un témoignage accablant sur la nature du colonialisme, sa brutalité, son inhumanité, sa barbarie pour tout dire», le ton général du message reste beaucoup moins rude que celui des dernières années. La commémoration du 8 mai est «une occasion de renouveler notre condamnation de l'injustice et de la dérive de l'histoire que représente le colonialisme pour tous les peuples qui ont subi sa domination, elle ne comporte cependant aucun sentiment de vengeance ou de revanche». Mehri préconise une autre voie Il reste qu'à quelques semaines d'une visite annoncée du chef de l'Etat en France, on n'a pas l'ombre d'une idée de cette voie originale qui paraît durablement obstruée. Côté français, on souligne qu'il n'existe pas pour le moment de présenter des excuses officielles. On attendra donc de connaître les idées des officiels algériens sur cette nouvelle approche. Apparemment, le président de l'Assemblée nationale, Abdelaziz Ziari, n'en sait pas plus et s'en tient à l'exigence de «repentance». «Il serait tout à l'honneur de la France et des Français de faire repentance sur tous les crimes dont a été responsable le colonialisme en Algérie et ailleurs», en estimant que cela «se fera un jour». Cette exigence de repentance n'est pas totalement partagée en Algérie. Ainsi, M. Abdelhamid Mehri estime que les Algériens n'ont nul besoin de la «repentance» qui ne résoudra pas, selon lui, les problèmes engendrés par 130 ans de colonialisme. Il estime par contre que la loi française d'octobre 1999 reconnaissant qu'il y a eu une guerre en Algérie ouvre la voie à demander des réparations à la France en vertu des lois internationales relatives aux situations de guerre. |
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