«La violence en milieu scolaire n'est pas propre à l'école algérienne mais un phénomène mondial», selon le ministre de l'éducation nationale.
Le fil à couper le beurre aurait posé plus de problème à découvrir. On aurait pu dire cela de la désertification, du chômage, de la récession économique et même de la fièvre porcine par les temps qui courent. Cela ne nous dispense en aucun cas de prévoir les évènements, de prendre les mesures qu'il faut pour réduire l'ampleur du phénomène, en lançant des chantiers de réflexion à l'assaut du mal qui nous ronge de ce côté-ci de la terre. On pourrait même conclure que la violence en milieu scolaire n'est pas propre à l'Ecole algérienne mais à tous les domaines de la vie. Une enquête sur la mendicité en Algérie, qui est un autre phénomène du ressort de ce ministère d'une certaine solidarité, a conclu à l'agressivité des mendiants algériens, entre autres caractéristiques. D'où, peut-être, la nécessité de former nos mendiants à solliciter avec le sourire une pièce de monnaie plutôt que de les faire disparaître du paysage. D'où, la nécessité de former les propriétaires illégaux des stationnements qui consentent à jouer les parcmètres, à moins dissuader les mauvais payeurs à l'aide d'une matraque qui prolonge leurs bras, faits pourtant pour produire de la richesse. Ce que l'on oublie de dire dans cette mondialisation de la violence, c'est que dans les pays à démocratie avancée, on ne cesse d'en parler et d'agir à travers des programmes incluant les conditions sociales, dont le logement, le travail, l'éducation, la santé et, surtout, la justice. La justice et l'Etat commencent au plus bas de l'échelle hiérarchique, là où le citoyen ressent sa citoyenneté. Face au policier, au gendarme, au douanier, à l'agent communal chargés de veiller à l'application de la loi. Là où la confiance s'établit ou se rompt entre gouvernant et gouverné. Or, chez nous, c'est là aussi que les choses vont mal et nombreux sont ceux qui, à un moment ou à un autre de leur vie publique, constatent que l'Etat fait semblant d'exister pendant que le citoyen fait semblant de meubler l'Etat. Une simple anecdote mettant en scène un routier et un gendarme. « Habitué à se faire arrêter pour une multitude d'infractions au code de la route, notre routier prépare à l'avance quelques billets pour faciliter son voyage d'une ville à une autre. Arrêté par un barrage de gendarmerie pour « contrôle », le routier descend de son camion et demande au gendarme la permission d'aller uriner quelques mètres plus loin, en pleine nature. Tout en urinant le routier prend quelques billets de banque dans la poche intérieure de sa veste et les glisse au milieu de ses papiers. A son retour, il remet le tout au gendarme qui constate l'insuffisance du « péage » et demande au routier d'aller uriner à nouveau ». Cette scène est devenue courante non seulement sur nos routes, mais aussi en plein centre des villes. Seuls changent la couleur de la tenue le contexte les décors et les acteurs. Le drame c'est que tout le monde le sait et les quelques réticents qui continuent à maintenir l'idée que les lois doivent être respectées, y compris à leur détriment, deviennent de moins en moins nombreux, voire même rares. La déconfiture de l'Etat ne laisse rien pousser dans un pays qui est passé d'une violence coloniale combattue par la violence, à une violence politique qui a produit le terrorisme, la corruption, l'exil. Pourquoi faut-il effectivement que l'école soit en marge de cette déconfiture même si l'on considère l'internationalité du phénomène ? Quelle est alors la place de l'école dans notre société ? Il est un temps révolu où cette institution, car c'en est une et la plus importante, où l'école jouait le rôle complémentaire de la famille et non l'inverse. L'éducation civique, dont l'enseignement est devenu pratiquement banal de nos jours, constituait la force même de l'école et la matière à partir de laquelle se formait la citoyenneté. L'école coranique s'occupait parallèlement de l'éducation religieuse et plus particulièrement de la préservation de l'identité culturelle. Si on attribue aujourd'hui tous les maux à l'école, il ne suffit plus de rejeter la balle sur cette mondialisation qui est devenue un fourre-tout, mais de dire comment la mondialisation a réglé la circulation des expériences même si elle est porteuse de violence sous d'autres aspects et d'en tirer le maximum de profit. Nos enfants ont besoin d'être compris, et de développer de l'intelligence à l'instar d'enfants vivants dans des pays comparables au nôtre du point de vue des richesses. De là à penser que le recrutement d'« éducateurs chargés de la sécurité dans les écoles » fera reculer les formes de violences que connaît l'école, il y a tout de même matière à doute. Le risque est que ces « éducateurs » se transforment en agents de sécurité en remplacement des anciens gardiens enturbannés, une matraque à la main. Le risque c'est qu'à un problème de caractère mondial on apporte des solutions strictement locales pensant avoir trouvé une voie de sortie qui sera remise en cause dans quelque temps. Ce qu'il ne faut pas oublier en toutes circonstances, c'est que le gendarme, le policier, le douanier et l'agent communal, passent aussi par l'école, pour un temps court certes, mais ils y passent. C'est ce qu'ils disent dans les barrages.