L'islamisme n'étant plus un
projet de coup d'Etat, mais un compromis en « haut » et des Rokia en bas, les
peuples arabes sont désormais prêts aux grosses manipulations des temps futurs.
L'Occident du Moyen-âge est passé par ces époques tristes des croisades des
gueux pour libérer les « terres saintes », les inquisitions, les bûchers, la
quête des reliques et la recherche des apparitions miraculeuses. Nous en sommes
aujourd'hui là, et le Moyen-âge n'est pas l'âge qui précède la machine à
vapeur, mais l'âge où l'on croit qu'un cancer peut être guéri par une chaîne
satellitaire. Le courant de cet islamisme charlatan est en puissance montante
dans notre univers. Il a introduit le messianisme en politique, la Rokia en Médecine,
l'intolérance dans les moeurs et les talk-show invraisemblables dans les
médias. On peut pratiquer ce néo-fondamentalisme de bazars marchands même en
étant à l'opposé de la pratique, parce que le filon est porteur, il est
commercial et répond à la névrose collective de la peur de la vie. On peut en
user pour vendre des journaux arabophones, comme en Algérie, des turbans, des
voiles pour femmes, des aphrodisiaques, des racines médicales rares et du vent
sous forme de Fatwas. Personne ne se dit, dans cet univers, pourquoi l'âge d'Or
des musulmans était beaucoup plus audacieux que les Adonis pourchassées
d'aujourd'hui. En plus directe, c'est l'époque de gloire des Abou-tôliers
docteurs de la Loi, face aux néo-structuralistes supposés de nos sphères intellectuelles.
Le mouvement est si puissant qu'il entraîne, par effet de peur, de plus en plus
d'institutions et d'édifices d'Etat et de barrages routiers chargés de
contrôler le conducteur en principe et pas sa foi. Et si, aujourd'hui, la
principale discussion des esprits libres en terres arabes est de raconter les
libertés perdues et les invraisemblables chasses aux signes, c'est parce qu'il
faut presque s'excuser d'être libre et de penser différemment qu'un tapis qui
ne décolle plus depuis les Abbassides.
Comment en est-on arrivé là ?
Qui est coupable de la première barbe mentale ? Comment naissent ces époques
violentes où un homme doit prouver à chaque discussion que c'est la terre qui
tourne autour du soleil ? Que faire pour que nos enfants ne succombent pas à
cet instinct de mort au nom de Dieu qui ne l'a pas demandé ? Que faire contre
le port collectif de la ceinture d'explosifs ? Comment aimer les siens malgré
leurs folies strictes ? Comment leur expliquer que les Fella en Hidjab à la
place des Barbies dénudées sont un attrape-nigaud lorsqu'on on ne sait pas
fabriquer son pain ? Comment leur dire qu'aujourd'hui, il ne faut même plus
bombarder des musulmans pour les voir mourir, mais seulement envoyer quelqu'un
dans une mosquée de village déchirer un Coran et taguer des insultes sous un
minaret pour les voir s'entretuer les uns les autres dans les Berrianes des
temps à venir ? Est-ce un hasard si les journaux font de plus en plus état de
ces « faux faits divers » ? Et c'est celle-là la question sans réponse. Vu hier
: un DVD vendu sur les trottoirs racontant la dernière guerre contre Gaza avec
un chapitre indiqué en gros : « Le massacre et les miracles ». C'est dire que
nous en sommes encore à croire vaincre des batailles avec des poignées de
sables ! Et c'est cela donc la mondialisation à nos frais : un mouvement
international qui nous pousse aux particularismes du turban et à revendiquer
les ablutions comme une identité.