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Project Syndicate pour Le Quotidien d'Oran : Le DTS, nouvelle devise de référence ?

par Barry Eichengreen *

La déclaration de Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque populaire de Chine, selon laquelle le Droit de tirage spécial (DTS) du FMI devrait remplacer le dollar en tant que devise de référence a fait sensation, entraînant des réactions mitigées.

Ses partisans ont reconnu la contradiction inhérente à un système dans lequel une devise nationale sert de référence internationale. Les banques centrales cherchent tout naturellement à augmenter leurs réserves en période de croissance économique. Ces réserves étant essentiellement en dollars, cela accroît la demande en devise américaine.

Cela permet aux USA de financer leur déficit extérieur à un coût artificiellement bas, provoquant des déséquilibres qui conduisent inéluctablement à un crash. Les récents événements illustrent ce problème et le gouverneur Zhou a raison d'en appeler à un autre système.

Mais les sceptiques se demandent si le DTS pourra jamais remplacer le dollar en tant que devise principale constituant les réserves, ceci pour la bonne raison que le DTS n'est pas une monnaie, c'est une unité de compte composite que le FMI utilise pour faire crédit à ses membres.

Elle peut être convertie en dollars ou en autres devises par le Fonds et être utilisée pour des transactions officielles entres pays membres du Fonds, mais elle ne peut servir dans d'autres transactions menées par les banques centrales ou les gouvernements. On ne peut pas y avoir recours pour intervenir sur le marché des changes ou dans d'autres transactions. Autrement dit, le DTS n'est pas quelque chose d'intéressant pour les réserves officielles.

Cette situation n'est pas facile à changer. Malgré les hauts et les bas de l'économie américaine, les valeurs en dollars restent la principale forme de réserve en raison de la liquidité et de la profondeur sans précédent des marchés américains.

Les banques centrales peuvent acheter et vendre des valeurs en dollar sans déstabiliser ces marchés. Intervient également un facteur pratique : le dollar est abondamment utilisé dans toute une palette de transactions.

Aussi, l'euro lui-même n'est-il pas parvenu à déloger le dollar de sa position d'instrument de réserve international. Et il sera encore plus difficile pour le DTS d'y réussir. Pour autant, ce qui est difficile n'est pas impossible. Si la Chine veut véritablement attribuer au DTS le statut de devise, elle doit prendre des mesures pour créer un marché suffisamment liquide basé sur des créances en DTS.

Elle pourrait par exemple émettre des obligations en DTS, ou mieux encore, encourager les autres pays du G20 à faire de même. Ils auraient à en payer le prix, car au début les acheteurs potentiels exigeront une prime à la nouveauté. Mais tout à un prix, ce serait celui d'un investissement dans un système international plus stable.

Il y a déjà eu une tentative de création d'un marché commercial basé sur le DTS. Dans les années 1970, des banques commerciales ont émis quelques titres de créance en DTS et des entreprises ont émis des obligations en DTS. Mais cela n'a débouché sur rien. Le dollar étant plus liquide, le fait qu'il soit déjà en place c'est relevé un obstacle insurmontable.

Il aurait fallu qu'un organisme crée le marché voulu, tant pour les transactions privées que publiques et le subventionne dans sa phase initiale. Cet organisme est de toute évidence le FMI. Le Fonds pourrait acheter et vendre des créances en DTS aux nouveaux arrivants - qu'il s'agisse d'intervenants publics ou privés - à faible écart entre prix de vente et prix d'achat, compétitifs par rapports à ceux en dollar.

Le dollar a acquis son statut de devise internationale durant les années 1920, lorsque la Réserve fédérale nouvellement crée a commencé à vendre et acheter des acceptations bancaires en dollar, soutenant le marché et améliorant sa liquidité.

Si la communauté internationale envisage sérieusement d'utiliser le DTS en tant que devise de référence internationale, elle doit donner au FMI les moyens d'y parvenir.

Cela aussi aura un coût. Le FMI devra utiliser des ressources bien réelles pour subventionner le marché jusqu'à ce que les intervenants privés le considèrent comme suffisamment attractif pour fournir les mêmes services à un prix comparable.

Les actionnaires du Fonds devront accepter de financer cette opération. Mais à nouveau, il s'agit d'investir dans un système monétaire international plus stable. Transformer le DTS en une véritable devise internationale suppose de surmonter d'autres obstacles. Le FMI devra pouvoir émettre des DTS supplémentaires en période de pénurie, à la manière de la Fed qui durant le deuxième semestre 2008 a fourni des swaps en dollars pour assurer la liquidité de la devise américaine.

Pour le moment, les pays qui détiennent 85% des droits de vote au FMI doivent se mettre d'accord avant même l'émission de DTS, ce qui ne va pas dans le sens de la liquidité.

La direction du FMI devra aussi pouvoir décider de l'émission de DTS, à l'image de la Fed qui peut décider d'offrir des swaps sur devises. Il faudrait donc que le FMI devienne une sorte de banque centrale mondiale et un prêteur international de dernier recours.

Avant la crise ces idées auraient été rejetées sur le champ. Même maintenant, elles ne se matérialiseront pas du jour au lendemain. Mais telles sont les implications de la déclaration du gouverneur Zhou.

Traduit de l'anglais par Patrice Horovitz


* Professeur d'économie et de sciences politiques à l'Université de Californie à Berkeley