|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Le Premier ministre français a fait escale à Tunis jeudi 23 avril dernier. Cette visite serait passée inaperçue si, à la faveur d'une question à propos des Droits de l'Homme en Tunisie posée par un journaliste, F. Fillon n'ait laissé tombé une parole malheureuse... inutilement polémique. Personne ne contestera ou ne niera les faits suivants : 1.- L'importance des efforts déployés par la Tunisie au profit de l'éducation et notamment de l'éducation des petites filles, en gage d'un développement solide et pérenne. 2.-: «...le niveau élevé atteint par la Tunisie par exemple en termes de développement économique et social ou encore pour ce qui est de la place qui est faite aux femmes. » François Fillon dixit. 3.- Que les Droits de l'Homme fassent l'objet d'une attention particulière des instances nationales et internationales ne fait pas et ne peut faire débat. L'État de droit est une condition sine qua non du développement. Sans doute, la Tunisie-précisément en raison d'un investissement élevé dans le domaine de l'éducation-est plus sévèrement jugée sur ce chapitre (qu'on se souvienne des événements de l'été-automne 2005). Sans doute, François Fillon n'a pas tort de signaler que les Droits de l'Homme sont infiniment moins respectés ailleurs. Que la France relativise le fait que la Tunisie soit dirigée des décennies durant par un ex-général, témoigne ainsi d'une conception « mature » et distanciée de la démocratie qui n'est pas réduite aux seules messes spectaculaires des élections pluralistes. Le Premier ministre français a raison d'affirmer que « la démocratisation est un processus continu ». On sait en effet ce que valent ces alternances démocratiques qui organisent la permutation régulière de majorités et d'oppositions qui pratiquent des politiques identiques. 4.- De même, il ne viendra à personne l'idée de disputer à la France la volonté de défendre ses intérêts en Tunisie, si les Tunisiens en conviennent (et même s'ils n'en conviennent pas), car après tout c'est à nos amis Tunisiens (Etat, gouvernement et peuple, et à personne d'autre) de décider de l'administration de leurs intérêts. En revanche, il n'est ni honorable ni acceptable (ni même conforme aux intérêts bien compris de la France) qu'un Premier ministre français s'immisce dans les relations maghrébines et d'attiser les controverses locales, dont on sait par ailleurs qu'elles sont empreintes d'un infantilisme si ombrageux que les déclarations imprudentes d'un Premier ministre d'envergure mineure en villégiature tunisoise suffit à enflammer. A un journaliste qui lui reprochait lors d'une conférence de presse, de passer sous silence depuis son arrivée jeudi à Tunis la question des Droits de l'Homme, M. Fillon s'est refusé à « donner des leçons » en la matière, « une attitude bien connue de la France ». « Il y a parfois des choix qui sont faits par les observateurs de discrimination entre les pays », a-t-il noté, tout en soulignant que la France était « très attentive à la question du respect des droits de l'Homme ». « Je pense qu'on demande plus à la Tunisie qu'à d'autres pays de la région, simplement parce qu'elle nous ressemble davantage », a-t-il déclaré. (Associated Press, V. 24/04/2009 à 18:09). Rappeler que dans les pays voisins (suivez son regard dirigé vers les frontières de l'Est et de l'Ouest) la démocratie et le respect des Droits de l'Homme sont encore moins respectés qu'à Tunis-et justement parce que ce n'est pas totalement faux-n'est pas vraiment ce que l'on attend de la France. On n'attend pas de la France de si piètres réparties mais une politique plus conforme à son histoire, à sa géographie et la dimension internationale qu'elle entend conserver parmi les nations. Et peut-être davantage en tant qu'ancienne puissance coloniale (qui a beaucoup à se faire pardonner), pour contribuer à une meilleure intégration économique maghrébine et méditerranéenne. Et pourquoi pas aider à promouvoir ce que nos voisins Tunisiens ont expérimenté avec succès. La qualité de ces échanges invitent à reconsidérer plus globalement les mœurs actuelles des hommes politiques : sous prétexte de ne plus pratiquer la « langue de bois » on s'est habitué à tort à ce qu'un « langage de vérité » de mauvaise facture se substitue à une « intelligence diplomatique », certes plus « codée », mais peut-être plus digne, plus efficace et tout compte fait plus compréhensible. Les chefs d'Etat préfèrent s'étriper sur scène comme des chiffonniers au vu et au su de tous au lieu d'assumer le rôle qui est le leur et pour lequel ils ont été élus. C'est probablement à cette confusion des genres-repérée bien avant mai 2007-que la France doit d'avoir une politique étrangère peu « lisible ». Douste-Blazy (ancien ministre des Affaires Etrangères) a dans ce domaine porté le Quai d'Orsay à des niveaux de « performance ». Depuis, l'image internationale de la France apparaît davantage à la rubrique « people » qu'à celle de l'actualité diplomatique. Majorité et opposition rivalisent conjointement en un spectacle qui démontre que l'efficacité des hommes politiques est décidément inversement proportionnelle à leurs talents de (piètres) comédiens. Il serait bien injuste de pointer le seul personnel politique français. En Europe, de L'Italie à la République tchèque en passant par la Belgique et la Grande Bretagne, les hommes d'État (ou ce qui tient lieu) forme un théâtre d'ombres qui désespèrent leurs électeurs. Vue du Maghreb, cette succession de maladresses, de gaffes et pour ainsi dire de perte du sens des réalités donne un sentiment croissant de perplexité et d'inquiétude face à une crise économique et financière mondiale dont on redoute les conséquences. Naturellement, on peut examiner les avantages comparatifs des pays maghrébins sous l'angle des Droits de l'Homme. Mais en attendant, le projet d'« Union Pour la Méditerranée » revisité par Bruxelles et Berlin n'est plus que la continuité du feu Processus de Barcelone aussi brillamment réussi que la paix en Palestine. De projets ratés en initiatives incertaines, l'Europe offre le profil d'une Union sans véritable cap ni stratégie. Cela n'est bon ni pour la France, ni pour le Maghreb, ni pour l'Europe. |
|