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Les débats et polémiques actuels sur l'information et les médias à travers le monde sont-ils les vrais débats ? Ne masquent-ils pas, au contraire, un malaise plus profond ? Vaste champ d'enquête ! Qu'on le veuille ou non, nous sommes tous, bien qu'à des degrés divers, manipulés, conditionnés et en permanence sous emprise médiatique. Entre les mains des puissants, les moyens d'information et de communication deviennent redoutables. Non seulement, ils hiérarchisent et classent les nouvelles selon leur bon vouloir, mais en plus, ils agissent sur notre perception du monde en usant et en abusant de prismes déformants. Par petites doses nous sont distillés des modes de pensée et surtout des modèles de comportement qui progressivement s'affichent comme des comportements modèles. Réputée libre et indépendante en Occident, la presse écrite et audiovisuelle dévoile facilement ses stratégies de manipulations pour qui essaie d'en dévoiler les mécanismes. En temps de crises ou de guerre, les médias sont appréhendés comme de redoutables matrices idéologiques. Plus aucun scrupule ! L'accessoire est privilégié au détriment de l'essentiel. Les journalistes liges trient, sélectionnent et hiérarchisent selon le bon vouloir des décideurs, l'ordre du jour de la planète en faisant subir à l'information de rudes épreuves. Faux scoops, non-dits, désinformations, font subir de graves distorsions aux règles élémentaires d'éthique et de déontologie. Au concret, cela se traduit par un traitement partiel et partial des informations, sans effort d'analyse ou de synthèse, sans mise en contexte et sans commentaire critique. Le sensationnalisme primant sur l'essentiel, le journaliste, à défaut d'une véritable information, collecte des intuitions, des émotions et des colères. Pour attirer un regard, capter une attention, retenir le lecteur ou le téléspectateur, les journalistes versent vers l'événementiel et la surenchère, dramatisant ici à l'excès, accentuant là des tensions. Dans leur désir de séduction, ils n'hésitent plus à franchir le rubicond, en offrant une vision éthérée complètement irréaliste du monde avec comme menu quotidien, des accidents effroyables, des épidémies horribles, des tremblements de terre, des inondations terribles et des guerres médiatisées à outrance. D'une décade à l'autre, on se rend compte, que la guerre de l'information prend une ampleur démesurée. Elle a aujourd'hui ses stratèges, ses guerriers et ses réseaux. Elle phagocyte le politique, l'économique et le social. Chaque jour, en guise d'information et d'objectivité, on dramatise à l'excès, on minimise des événements graves, on en occulte d'autres. Une gigantesque entreprise de désinformation et de manipulation a fini par voir le jour à l'échelle mondiale. Tels des gaz chimiques, les instruments censés nous informer, nous anesthésient, nous troublent et nous perturbent. Ils en arrivent même parfois à « fabriquer » l'événement en élevant le mensonge manifeste au rang de vérité. Les dérives médiatiques sont devenues choses banales. L'administration « bushienne » en a constitué l'exemple type. Jouant de main de maître, le jeu de la transparence opaque, elle inondait les networks du monde d'images et de sons soigneusement canalisés, triés et aseptisés. Mais, se focaliser sur les dysfonctionnement des médias occidentaux en dénonçant leur inconscience, voire leur mégalomanie, ne peut en aucune manière masquer nos erreurs et nos lacunes. La désinformation, la manipulation et la rétention de l'information existent sous tous les cieux D'aucuns pensent qu'ils peuvent ériger un pluralisme médiatique en absence de démocratie. D'autres pensent pouvoir se réclamer de la démocratie tout en en interdisant l'exercice. Le comble est atteint lorsque qu'un peuple qui a mené un combat héroïque pour sa liberté et son indépendance, se voit privé d'un Etat de droit. Dénoncer avec virulence les cabales médiatiques contre l'Algérie et au même moment empêcher l'exercice de la pensée libre, revient à prêcher dans le désert. Si nul ne peut nier l'inquiétante dégradation de l'exercice du métier d'informer dans notre pays, rares sont ceux qui perçoivent les pressions, les contraintes visibles et invisibles qui s'exercent au grand jour sur les journalistes, mettant à rude épreuve l'indépendance éditoriale et escamotant tout velléité de débat démocratique. A l'heure ou la dilapidation des deniers publics prend une dimension alarmante, à l'heure ou des milliers de faux moudjahidine vivent dans la sérénité la plus totale, à l'heure du grand pardon et de l'oubli, comment concevoir le tir groupé contre les journaliste « coupables » de dire, haut et fort, ce qui ne va pas. En quoi un article qui critique tel ou tel abus ou dysfonctionnement peut-il constituer une menace pour la stabilité du pays ? Les harcèlements, les procès et les arrestations, pour des peccadilles parfois, font douter de l'impartialité du pouvoir exécutif et de l'autorité judiciaire. Ces derniers semblent se mêler les pinceaux dans des batailles burlesques où règne la confusion la plus totale. L'autocensure répondant aux pressions, le citoyen qui désire s'informer se voit obligé de surfer sur des sites alternatifs, pour mesurer la température dans son propre pays, dans sa propre ville. Cela est d'autant plus regrettable, qu'il n'y a pas si longtemps, la presse algérienne était citée en exemple pour son ton libre et ses critiques acerbes touchant à tous les domaines, sociaux, économiques et mêmes politiques, sans aucun tabou. Cette récréation de liberté fut malheureusement de très courte durée. Faire couler de l'encre sur un papier est devenu un métier à risque, un sacerdoce face aux hérauts du jour qui se prennent pour des messies. Certes, des abus il y en a eu, beaucoup même. Certes, des dévoiements et des dérapages ont eu lieu. Certes, à l'instar des autres professions, il y a des incapables, des paresseux et des parasites. Mais est-ce une raison pour généraliser le port des muselières et jeter l'anathème sur toute une profession ? Refrénant leurs ambitions, s'interdisant d'aborder des sujets scabreux, sulfureux ou simplement à risques (corruption, fuite des capitaux, rente, passe-droits, faussaires, usurpateurs, terrorisme, faux repentis, faux moudjahidine, chômage, dérives bureaucratiques, etc.), les journalistes ne savent plus à quels saints se vouer. Se pose donc la question de la vérité et du mensonge, du dit et du non dit, et donc, du crédit que l'opinion publique accorde au discours politique. Le manque d'intérêt pour la communication officielle traditionnelle, et le scepticisme à l'égard des partis et des leaders politiques s'expliquent aisément. Les politiques se rendent-ils compte que c'est l'absence d'explication sur le choix d'une décision politique, et l'absence de connaissance à propos d'un sujet déterminé, qui alimentent l'incompréhension et génèrent les conflits. La liberté de la presse n'est pas seulement le baromètre de la démocratie, elle est la démocratie Sachant que l'essentiel des principes vertueux de la communication publique repose sur la transparence, il importe donc de mettre à la disposition des citoyens des éléments objectifs d'appréciation sur tous les sujets délicats qui les concernent. C'est probablement le seul moyen de réduire l'écart entre les gouvernants et les gouvernés, entre l'information et la désinformation, et de laisser prévaloir la raison surtout lorsque les sujets deviennent passionnels. En développant une stratégie de méfiance généralisée face à la presse, les pouvoirs publics ne font qu'exacerber les passions. Une refonte radicale du champ médiatico-politique s'impose. Le verrouillage de la parole publique n'est plus concevable. La profession, qui a payé un lourd tribut en Algérie durant la dernière décennie, ne mérite ni le mépris ni le harcèlement. L'occasion était belle en 1988, d'assainir le fonctionnement des médias, de permettre le développement d'un secteur privé et d'entreprises de radio et de télévision authentiquement indépendantes et de consolider un pôle audiovisuel public aujourd'hui en pleine déconfiture. Cette occasion a été perdue. L'information est un bien public qui n'est la propriété de personne. Elle n'appartient, pas plus au journaliste qu'à l'homme politique. Le journaliste active pour ceux auxquels il s'adresse. Ces derniers attendent des nouvelles, mais surtout des faits bruts. Ils veulent être informés. Ils veulent comprendre les raisons d'une décision politique, les causes d'une situation, les effets d'un choix. Le journaliste doit livrer des faits, mais aussi des doutes et des interrogations. Il doit toujours avoir à l'esprit qu'il n'est ni juge, ni bourreau, mais seulement le témoin lucide, qui doit éclairer les citoyens en rapportant des faits sans esprit de parti pris. S'il pratique la rétention de l'information, s'il manipule les données dans un intérêt personnel ou catégoriel, il doit être sanctionné. Il y va de la crédibilité de la profession. D'où la nécessité d'un véritable civisme de l'information car, au-delà des aspects institutionnels ou législatifs, il s'agit bien d'un enjeu civique concernant tous ceux qui veulent être acteurs à part entière d'une démocratie véritable, sans laquelle, il n'y a pas d'information libre et pluraliste, il n'y a pas de médias libres. |
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