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Visas contre atome

par Mahrez Iliès

Les Algériens connaissent l'atome. Ou plus exactement les effets d'explosions atomiques sur le corps humain. Cela s'est passé dans les années 60, dans le sud du pays, pendant la nuit coloniale. Depuis, le dossier du nucléaire français, les essais atomiques de la France à Reggane, a été plus ou moins enfoui dans la mémoire coloniale. Mais, au mois de juin prochain, il sera sur la table, officiellement, pour la première fois, des discussions entre les présidents algérien et français. L'information est de taille pour ces milliers d'Algériens qui souffrent toujours de nos jours des effets des radiations, mais également pour les familles des victimes des essais nucléaires de la France sur des cobayes vivants, des Algériens. La visite que devra effectuer en France M. Bouteflika sera centrée sur ce sujet brûlant, qui a toujours été mis de côté par Paris, pour occulter une partie importante de sa présence «négative» en Algérie. La France, qui a fermé ses frontières aux Algériens, doit également aborder avec les responsables algériens la question de la circulation des personnes et la situation de la communauté nationale dans l'Hexagone. Bouteflika, qui sait se faire entendre par son homologue français, même en mettant sur la table quelques arpents de sable imbibés de pétrole et sentant le gaz. Non plus sérieusement, il semblerait que le principe de discussions sur les essais nucléaires français en Algérie dans les années 60 soit accepté par Paris, ce qui devrait ouvrir la voie vers un mécanisme de dédommagement et, surtout, une reconnaissance officielle de ce qui s'est passé dans cette partie de l'Algérie. Une éventualité qui devrait ouvrir un autre débat entre les deux rives, sur le nucléaire celui-là, après celui sur les visas. Un autre sujet qui devrait également s'inviter à la table des entretiens entre le président Bouteflika et Sarkozy. Non pas qu'il y aura une comptabilité draconienne sur le nombre de rentrants et de sortants de l'Hexagone vers l'Algérie, mais d'humaniser un peu plus le système d'octroi des visas pour les Algériens. Là, également, Bouteflika a quelques arguments à faire prévaloir. C'est en quelque sorte comme sur une table de poker : c'est à celui qui a la bonne main qui gagne. A Alger, on sait que la carte du pétrole et du gaz, notamment le GNL, fait saliver plus d'un, même en dehors de l'Hexagone. En outre, l'argent du pétrole peut être siphonné sportivement par les entreprises françaises, même si elles se font tirer les oreilles pour se multiplier sur le marché algérien. Des arguments auxquels le président Sarkozy n'est pas insensible. En ajoutant le poids politique de l'Algérie dans son projet d'Union pour la Méditerranée, il est tentant de croire qu'il va faire un geste envers Alger : sur le nucléaire et sur la circulation des personnes. Une visite qui devrait, en fait, éclaircir un peu plus la vision que veut développer Sarkozy dans ses relations avec l'Algérie, et, surtout, le comportement que va adopter pour les cinq prochaines années Alger vis-à-vis de la France.