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L'Afrique
du Sud vote aujourd'hui pour renouveler son Parlement. L'African National
Congress (ANC) devrait l'emporter et son leader, Jacob Zuma, qui a traîné
pendant des années une accusation de corruption, devrait devenir le prochain
président sud-africain.
La défection d'une partie des élites dirigeantes de l'ANC, après la démission forcée de Thabo Mbeki, accusé par les partisans de Zuma d'avoir instrumentalisé la justice pour essayer de l'éliminer politiquement, n'aura pas, selon toute probabilité, une incidence majeure. Le soutien apporté par Nelson Mandela au candidat de l'ANC vaut son pesant électoral. Le choix du vieux combattant est clair : lutter contre la pauvreté est une priorité absolue. C'est aussi une priorité pour la majorité des Sud-Africains, dont 40% vivent en dessous du seuil de pauvreté et qui n'ont pas vu leur situation s'améliorer après la fin de l'apartheid en 1994. Les dissidents de l'ANC, qui ont créé leur parti, le COPE, représentent très clairement une élite bourgeoise noire qui a bien profité des années post-apartheid. Partisans de l'ancien président Thabo Mbeki, qui s'est gardé de les rejoindre au COPE, ces élites qui ont quitté l'ANC ne sont pas jugées les plus aptes à combattre la pauvreté, et son corollaire, la criminalité. Ils vont néanmoins alimenter une opposition, jusque-là confinée à l'Alliance démocratique, dominée par les Blancs et dirigée par Helen Zille, une femme de caractère qui a milité contre l'apartheid. Les élections d'aujourd'hui devraient être un indicateur intéressant de l'entrée de l'Afrique du Sud à l'âge de la politique, après des années relativement courtes - depuis 1994 - d'une domination écrasante du thème libérateur, porté par l'ANC, parti de libération nationale. Le fait même qu'une partie des dirigeants de l'ANC l'aient quitté pour créer un parti d'opposition et se poser en détenteurs de « l'esprit » de l'ANC, est un signe que les décantations sont en marche. L'Afrique du Sud, contrairement aux autres pays africains où les partis de libération ont pris le pouvoir, n'a pas imposé un parti unique et a créé un système démocratique. Le fait que l'ANC disposait d'une majorité écrasante faisait dire à certains que le pays se trouvait, malgré l'instauration de la démocratie, dans un système de quasi-parti unique. L'appréciation est erronée. L'existence d'un cadre démocratique, d'un Etat de droit et d'une liberté de la presse a permis une désacralisation plus rapide de l'ANC, l'émergence de dirigeants politiques critiques. Elle a permis surtout la fin d'un unanimisme interne et a vu apparaître ce qu'il faut bien appeler une droite et une gauche au sein de l'ANC. Les dissidents de l'ANC qui ont créé le COPE incarnent bien cette droite libérale qui reproche à Zuma et à l'ANC de faire dans le populisme. Cette division au sein de la sphère dirigeante de l'ANC a été regrettée par certains militants qui sacralisent l'unité des rangs, mais elle est néanmoins salutaire. Entre des hommes et des femmes qui n'ont pas les mêmes priorités ni les mêmes objectifs et qui ne sont plus l'expression des intérêts des mêmes classes sociales, la séparation apporte un plus à la vie démocratique. Le mérite de l'Afrique du Sud est que cela se passe assez vite et sans trop de violence. L'Afrique du Sud est arrivée, grâce à son cadre démocratique, à un âge politique qui n'est pas encore atteint dans d'autres pays où les anciens mouvements de libération se sont imposés en parti unique. |
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