Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les narcotrafiquants changent de mode opératoire: Faux marins-pêcheurs, vrais trafiquants

par Salah C.

Devant les coups de boutoir subis, les narcotrafiquants ont changé de stratégie pour acheminer leur cargaison par voie maritime.

Pour preuve, la wilaya de Aïn Témouchent, avec ses 80 km de côtes, devient l'un des points de passage préférés des trafiquants de drogue et toutes sortes de marchandises prohibées. Selon le lieutenant-colonel Réda Aydaoui, commandant du groupement de la Gendarmerie nationale de Aïn Témouchent, en l'espace d'une semaine, la quantité de kif traité interceptée sur le littoral a été estimée à 28 quintaux. En revanche, l'officier de la Gendarmerie nationale a relevé que l'activité des narcotrafiquants par voie terrestre a sensiblement baissé comme le montre la quantité de kif traité saisie qui est passée de 10 quintaux en 2007 à seulement 4 au cours de l'année 2008. En revanche, le recours à la voie maritime était moindre entre 2006 et 2008, des années où il a été constaté que sur les 40 quintaux saisis, 20 % uniquement étaient acheminés par voie de mer. Sur ce changement du mode opératoire des contrebandiers, le lieutenant-colonel Aydaoui a expliqué que « les courants marins poussent vers le littoral la drogue rejetée à la mer par les narcotrafiquants selon deux scénarios distincts. Primo, la marchandise est récupérée sur le rivage après qu'elle ait été transbordée par les vagues par des complices informés préalablement sur les points de chute et qui seront chargés de l'acheminer par voie terrestre ». Selon M. Aydaoui, ces derniers, généralement déguisés en marins-pêcheurs munis de perches se répartissent sur le littoral et n'auront qu'à récupérer la cargaison. Et de préciser que « les narcotrafiquants recourent au transbordement lorsque la mer est déchaînée, mais jamais quand elle est calme ». A cet effet, le chef du groupement de la Gendarmerie nationale fait savoir qu'une « trentaine de personnes affectées à cette mission de récupération ont été mises hors d'état de nuire ». Quant au second scénario, il réside, selon M. Aydaoui, «dans l'abandon pur et simple de la marchandise, suite à des contraintes de différentes natures ». Et d'illustrer ce cas de figure par la saisie des 26 quintaux de drogue à Sbiâât, due, selon lui, « probablement au fait que les narcotrafiquants avaient été surpris par les vents d'ouest (Gharbi) qui sont imprévisibles. Ce jour-là, les narcotrafiquants ont dû abandonner leur embarcation avec la cargaison ».

Cette importante prise a fait dire au lieutenant-colonel Aydaoui qu'elle « a confirmé l'utilisation de la voie maritime par les barons de la drogue qui n'hésitent pas à utiliser d'importants moyens pour leur trafic ». Dans son observation de cette nouvelle stratégie des réseaux de trafiquants de drogue, M. Aydaoui a souligné que ces « derniers prennent toutes les précautions pour ne pas tomber dans les mailles des filets des services de sécurité. Ainsi, ils n'hésitent pas à abandonner d'importantes quantités de drogue, à l'instar des 26 quintaux récupérés à Sbiâât ». Aussi, ces contrebandiers, selon M. Aydaoui, « n'effectuent jamais deux livraisons de drogue avec la même embarcation, un équipement qu'ils abandonnent une fois la marchandise livrée, et ce, dans le but de ne pas se faire repérer ». Pour faire face à cette situation, « un dispositif de surveillance permanent, mobilisant d'importants moyens humains et matériels, a été mis en oeuvre tout au long du littoral afin d'empêcher toute main malsaine de prendre possession des colis de drogue qui continuent à se déverser sur les plages », a souligné également le lieutenant-colonel Aydaoui. Selon le même responsable, «cette mission préventive se poursuivra jusqu'à la récupération de toutes les quantités de drogue disséminées en mer et la surveillance des plages est assurée en soutien aux missions de contrôle des gardes-côtes ». Concernant les embarcations saisies, le commandant du groupement a fait savoir que « depuis 2007, cinq embarcations, dont deux avec moteurs, utilisées pour le transport des stupéfiants, ont été saisies à Aïn Témouchent ». A titre illustratif, M. Aydaoui rappelle qu' « un zodiac a été intercepté avec 17 quintaux de drogue à son bord et que l'enquête diligentée a révélé que cette cargaison appartenait à un Russo-belge, un baron de la drogue recherché par Interpol ». Par ailleurs, selon le même responsable de la Gendarmerie nationale, « en 2008, la mer a rejeté une plaquette de capsules contenant six grammes de cocaïne, ainsi que des explosifs ». L'activité des différents corps de sécurité a permis, selon M. Aydaoui, l'arrestation de 242 personnes, dont une vingtaine de barons de la drogue de Tlemcen, Oran, Aïn Defla, Sétif, Chlef et Alger, ainsi que le démantèlement de deux réseaux internationaux avec l'aide d'Interpol.