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Il a suffi de quelques signes qui laissent à penser que le ralentissement économique a déjà atteint son apogée aux USA, en Chine et dans d'autres parties du monde, pour que l'on prévoit le retour à une croissance positive aux USA et dans d'autres économies avancées pour le deuxième semestre 2009. Un consensus fait jour parmi les économistes : l'année prochaine, la croissance sera proche du taux tendanciel de 2,5%. Les investisseurs parlent de petits signes de reprise et de dérivée seconde positive pour l'activité économique (le ralentissement de l'économie se prolonge, ce que traduit la dérivée première négative, mais la diminution du taux de ralentissement donne à penser que le fond est presque atteint). Aussi, les Bourses ont-elles commencé à se redresser aux USA et tout autour du monde. Les marchés paraissent croire que l'on est au bout du tunnel, tant pour l'économie que pour les profits mis à mal des entreprises et des firmes financières. A mon avis les faits ne confortent pas cet optimisme. Alors que ceux que j'appelle «les économistes du consensus» prévoient pour le deuxième semestre un taux de croissance à la hausse de 2%, je m'attends à ce qu'il reste négatif (entre -1,5 et - 2%) - ceci même si le taux de ralentissement de l'économie américaine baisse de 6%. Par ailleurs, la croissance sera si faible l'année prochaine (entre 0,5 et 1%, alors que les estimations courantes sont de 2% ou même davantage) et le chômage si élevé (supérieur à 10%) que le climat sera celui d'une récession. Dans la zone euro et au Japon, les perspectives pour 2009 et 2010 sont encore plus sombres, avec une croissance proche de zéro, même pour l'année prochaine. La Chine redémarrera assez rapidement vers la fin de l'année, mais avec une croissance qui atteindra seulement 5% cette année et 7% l'année prochaine - bien en dessous du taux moyen de 10% au cours des 10 dernières années. Compte tenu de ces mauvaises perspectives, les banques et les autres institutions financières vont continuer à perdre de l'argent. Selon mes dernières estimations, les pertes liées aux prêts et aux titres émis par les institutions américaines se chiffreront à 3600 milliards de dollars et à 1000 milliards pour le reste du monde. Au début de l'année, le FMI a révisé à la hausse ses prévisions de pertes en ce qui concerne les banques, les faisant passer de 1000 milliards à 2200 milliards de dollars. Il pourrait annoncer prochainement une nouvelle estimation de 3100 milliards de dollars pour les actifs américains et de 900 milliards pour les actifs étrangers - des chiffres très proches des miens. Si l'on s'en tient à ces estimations, beaucoup de banques américaines et étrangères sont effectivement insolvables et devront être reprises par l'Etat. La restriction du crédit durera beaucoup plus longtemps si nous maintenons en fonctionnement des banques zombies, malgré leurs pertes massives et continues. Compte tenu de cette perspective pour l'économie réelle et les institutions financières, le dernier redressement aux USA et sur les marchés boursiers doit être interprété comme le rebond provisoire d'un marché fondamentalement baissier. Les économistes disent souvent en plaisantant que la Bourse a prédit 12 des 9 dernières récessions, les marchés chutant assez souvent brutalement sans que cela ne soit suivi par une récession. Mais au cours des deux dernières années, la Bourse a prédit six reprises économiques sans être jamais suivi d'effet - autrement dit, six rebonds de marchés à la baisse qui se sont finalement terminés en queue de poisson dans de nouveaux abysses. Le dernier rebond boursier va peut-être durer un peu plus longtemps, mais trois facteurs vont à moment donné entraîner un retournement de tendance. Tout d'abord les indicateurs macroéconomiques seront moins bons que prévus, avec une croissance inférieure à celle attendue par les économistes du consensus. Deuxièmement, les bénéfices des entreprises et des institutions financières ne reviendront pas à un niveau proche de leur niveau antérieur aussi vite que prévu, car la faible croissance, les pressions déflationnistes et l'augmentation des défauts de payements des obligations privées limiteront la marge de manœuvre des entreprises pour fixer les prix et maintiendront leurs bénéfices à un niveau assez bas. Enfin, le choc financier sera plus fort que prévu. Arrivera un moment où les investisseurs réaliseront que les banques encourent des pertes massives et que certaines sont insolvables. Appliquées par des firmes à fort effet de levier tels que les fonds spéculatifs, les mesures contre l'endettement les conduiront à vendre des actifs non liquides sur des marchés peu liquides. Et malgré le soutien massif du FMI, certaines économies de marché émergeantes subiront de graves crises financières qui par effet de contagion toucheront d'autres économies. Aussi, même si la dernière reprise de ce marché baissier se prolonge un peu, le retour des pressions à la baisse sur les actions et les autres actifs à risque est inévitable. Il est vrai que des mesures agressives au cours des derniers mois (relâchement massif et non conventionnel de la politique monétaire, plans de stimulation budgétaire à grande échelle, sauvetage des firmes financières et soutien financier accru aux marchés émergeants en difficulté) ont réduit le risque d'une dépression à court terme dans de nombreux pays. Cet aboutissement paraissait hautement improbable il y a six mois, alors que les marchés financiers mondiaux étaient sur le point de s'effondrer. Néanmoins, la récession mondiale va se prolonger plus longtemps que ne le croient les économistes du consensus. On voit peut-être la lumière au bout du tunnel (pas de dépression et de crash financier), mais partout, la reprise économique sera moins vigoureuse et plus lente qu'attendue. Il en sera de même pour la reprise durable des marchés financiers. Traduit de l'anglais par Patrice Horovitz *Professeur d'économie à la Stern School of Business de l'université de New York |
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