La lune de miel qui existait jadis entre les six associés d'une
exploitation agricole collective (EAC), à Gdyel, n'a pas trop duré. A l'origine
de ce «désamour», le projet de la ligne ferroviaire Oran-Arzew ou «la voie
ferrée de la discorde», pour reprendre un avocat. C'est devant la Cour d'Oran
que les six agriculteurs devaient régler leur conflit lié à une affaire de
sous. L'un d'eux, le plus âgé, B.C., 80 ans, était accusé de faux et usage de
faux. Les autres se sont constitués en partie civile. A titre de dédommagement
dans le cadre de l'expropriation du terrain de cette ferme, par lequel passait
le tracé du chemin de fer, les six exploitants ont bénéficié d'un montant de
415 millions de centimes, qu'ils devaient partager équitablement entre eux.
Moyennant fausses procurations, dont une au nom des ayants droit d'un associé
décédé, B.C. encaisse le chèque, à l'insu de tous. Les coopérateurs n'ont été
mis au parfum que quelques mois plus tard. Ils déposent aussitôt une plainte. A
la question de la juge «combien as-tu pris ?», B.C. répond: « j'ai pris ce que
Dieu m'a donné». La juge insiste et veut un chiffre. Toujours la même réponse,
qui irrite la magistrate et fait rire la salle. Ce n'est qu'à la cinquième fois
que l'agriculteur avoue: «415 millions». «Et les autres ?», l'interroge encore
la juge. «C'est moi, et moi seul, qui ai fait tout le boulot pour obtenir
l'indemnisation...». L'un de ses associés l'interrompt: «Il a raison, Madame la
juge, c'est lui seul qui a fait le sale boulot de falsification des papiers !
». La présidente déploie alors toute son autorité pour rétablir le calme.
L'avocat de la partie civile demande une réparation de 82 millions de centimes
pour chaque victime. Le procureur général requiert la prison ferme contre
l'accusé, condamné à une simple amende en première instance. Le verdict a été
mis en délibéré.