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Jahid Younsi : «La fraude des présidentielles nous a fait oublier celle de 1997»

par M. Mehdi

Il y a eu « fraude massive, transparente et honnête ». C'est, en ces termes, que s'est ouverte la conférence de presse de Mohamed Jahid Younsi d'El-Islah, au lendemain de la proclamation des résultats préliminaires par le ministre de l'Intérieur.

Le désormais ex-candidat à l'élection présidentielle de 2009 constate amèrement que «la construction démocratique reste un rêve difficile à atteindre». «Nous espérions que cette élection allait être un plus dans le parcours démocratique du pays, qu'elle allait permettre de relancer l'espoir, et d'ouvrir d'autres pistes pour la démocratie», a déclaré le président d'El-Islah. Pour lui, dès le début de la campagne, il était visible que les candidats n'ont pas bénéficié des mêmes moyens. «Tous les moyens de l'Etat ont été mis à la disposition d'un seul candidat», dit-il dans une allusion très claire à la logistique mise en place pour Bouteflika. Mais, malgré cet indice, «nous pensions quand même que le scrutin allait se dérouler dans de bonnes conditions».

Jahid Younsi raconte que le matin du 9 avril, «mis à part quelques dépassements, que nous pensions être des cas isolés, tout semblait fonctionner normalement». Il cite, le cas précis de la commune de Béni-Merad, à Blida, où, selon lui, «les urnes étaient bourrées avant même le début du scrutin».

Mais, ajoute le président d'El-Islah, «tout a changé en début de l'après-midi où, une avalanche de plaintes commençaient à tomber de plusieurs wilayas». «Nos observateurs ont été exclus des bureaux de vote, certains, comme c'est le cas à M'sila, ont été frappés», affirme le candidat. Selon lui, «la fraude était bien préparée». Il affirme même que dans certains cas, d'autres candidats que Bouteflika ont bénéficié de cette fraude. «Dans un centre de vote à Constantine, nous avons été dépossédés de plus de 1.600 voix, et un candidat (autre que Bouteflika, ndlr) a bénéficié de 11.000 voix supplémentaires», dit-il en arborant quelques «rares PV qu'on a réussi à obtenir». De quel autre candidat s'agit-il ? Après insistance d'un confrère, il lâche : «il s'agit de Moussa Touati».

Le président d'El-Islah se dit étonné par «les méthodes primitives avec lesquelles a eu lieu la fraude». «Celle du 9 avril 2009, nous a fait oublier la fraude des législatives de 1997». Outre l'exclusion des représentants de son parti, Younsi parle de «renforts, à coups de bus d'étudiants et autres transports publics, pour ramener des votants par milliers dans les différents centres de vote», «des bulletins d'un seul candidat dans les boîtes aux lettres», et des «PV déjà prêts dans les bureaux et les centres de vote».

Pour lui, «l'administration a fait plus qu'on lui a demandé», au point où «un wali (il cite celui de Batna, ndlr), soit intervenu pour demander à ce qu'on corrige l'anomalie du nombre de votants qui dépasse celui des inscrits».

A propos des recours, Jahid Younsi affirme avoir saisi, tout au long de la journée du 9 avril, le président de la Commission de surveillance des élections, M. Teguia, «qui ne peut rien faire», constate-t-il. «On nous demande de formuler nos réserves dans les PV, alors que nos représentants sont exclus par la force des bureaux de vote», ajoute Younsi. «Et quand nous lui avons fait part de la brutalité dont nos représentants ont été victimes, M. Teguia nous répond : «Pourquoi vous n'avez pas riposté aux agresseurs»», ajoute le président d'El-Islah.

Concernant le taux de participation, le candidat estime qu'il ne dépasse guère «le tiers du chiffre annoncé». Pour être plus précis, il avance un taux de participation d'environ 25 %.

Pour Jahid Younsi, «il est inutile d'essayer de baser des analyses sur les résultats falsifiés d'un scrutin». Il reproche à certaines lectures qui, tout en estimant qu'il y a eu fraude, s'avancent à voir le recul d'un courant ou d'un autre.

Jahid Younsi ne regrette pas d'avoir participé à l'élection présidentielle du 9 avril 2009. Pour le président d'El-Islah, «le jeu est certes fermé», mais «la seule manière de provoquer le changement c'est d'être présents, pour proposer nos idées». «Nous ne choisirons ni le retrait ni l'aventure», dira-t-il encore.

Toutefois, il estime que «cette fraude et ces résultats dignes des autocraties touchent à l'image du pays et à celle du président de la République». A propos des félicitations du président français adressées à Abdelaziz Bouteflika après sa réélection, Jahid Younsi estime que «Nicolas Sarkozy n'a pas l'œil sur la démocratie en Algérie, mais sur les 150 milliards de dollars de réserves».