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Louisa Hanoune : Il y a eu fraude «à grande échelle»

par Z. Mehdaoui

Le coeur n'y était pas hier, lors de la conférence de presse animée par la porte-parole du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, au Centre international de la presse (CIP).

«J'aurais aimé venir vous dire qu'il y a une rupture avec les pratiques du parti unique mais, malheureusement, ce n'est pas le cas et l'Algérie a raté le rendez-vous avec l'histoire», a déclaré d'emblée la candidate du Parti des Travailleurs à l'élection présidentielle de jeudi dernier. Contrairement aux rendez-vous électoraux de ces dernières années, cette fois-ci, dira-t-elle, il y a eu fraude à grande échelle, dépassant tout entendement.

«47 ans après l'indépendance, nous avions espéré une rupture et une nouvelle ère», dira-t-elle, non sans préciser que si elle ne dénonçait pas ce qui s'est produit jeudi, elle se rendrait complice devant le peuple. Ainsi, ses militants et surveillants des bureaux de vote ont été, selon elle, victimes d'une véritable «chasse aux sorcières» le jour du scrutin, aussi bien des agents de l'administration que des élus d'autres partis soutenant la candidature du président.

Même le bureau où elle avait l'habitude de voter à chaque occasion dans la capitale n'a pas été épargné par la fraude, a déclaré Louisa Hanoune. Elle fera savoir qu'elle a été surprise de découvrir que le bureau où elle a effectué son devoir électoral a été transformé en bureau spécial où, des jeunes filles stagiaires de l'école de police de Aïn Benian ont été dépêchées pour voter alors que les bureaux spéciaux ont été officiellement supprimés à l'occasion de cette élection.

«J'ai été victime d'une grave manipulation», s'est indignée la porte-parole du PT qui a exhibé des documents prouvant, selon elle, des cas de fraude dans plusieurs wilayas du pays.

Elle soulignera qu'aucune wilaya n'a été épargnée par cette fraude qui a eu lieu, dira-t-elle, sous la supervision des responsables locaux, notamment les chefs de daïra, les walis et les maires.

C'est vers 16 h, jeudi dernier, que ces responsables ont commencé à paniquer, dira Louisa Hanoune.

Elle dira que les contrôleurs, mis en place par son parti pour surveiller dans les bureaux de vote, ont dû courir dans plusieurs wilayas derrière ces gens qui ont carrément volé les urnes et les PV pour les changer par d'autres.

Pis, elle soutiendra que des «videurs» et des «barbouzes» ont été dépêchés dans plusieurs centres de vote à travers l'Algérie pour faire sortir tout le monde des bureaux de vote et ainsi modifier les résultas.

La responsable du PT exhibera même des PV vierges signés qui étaient prêts à l'utilisation avant même le dépouillement des urnes.

Mila, Bourrouba, Hassi Bounif, Maghnia, Hussein Dey, Ouled Chebel (Alger), Jijel, Annaba, Khenchela, Bouira, Batna, Djelfa étaient quelques régions citées par Louisa Hanoune et où des dépassement graves ont été constatés, notamment par le truquage et l'utilisation de la violence pour modifier les résultats du scrutin, selon Hanoune.

Elle dira qu'au niveau de la capitale, même son directeur de campagne, Djelloul Djoudi, a eu la désagréable surprise de voir que quelqu'un d'autre a voté à sa place quand il s'est rendu au bureau de vote. Est-ce que le président de la République et son ministre de l'Intérieur et des collectivités locales sont au courant de cela ?

La porte-parole du PT s'est dite ne rien savoir à ce sujet mais que la machine enclenchée pour bourrer les urnes, ou carrément les remplacer par d'autres dès 18 heures, était devenue incontrôlable.

Elle soulignera que les chiffres contenus dans nombre de PV ont radicalement changé une fois arrivés au niveau des sièges des wilayas.

Elle citera le cas de Constantine où le PT a eu 28 000 voix dans une centaine de bureaux de vote puis, une fois les résultats proclamés, ce chiffre a été modifié pour descendre jusqu'à 16 000 voix pour toute la wilaya de constantine.

La candidate du Parti des Travailleurs a déclaré qu'elle a été spoliée de plusieurs centaines de milliers de voix lors de ce scrutin.

Il reste à savoir maintenant, se demande Louisa Hanoune, si les responsables au plus haut niveau de l'Etat sont au courant de cette «fraude généralisée» ou c'est seulement l'œuvre du «parti clientéliste».

En tous les cas, la porte-parole du PT, qui souligne qu'elle ne cherche nullement à obtenir une quelconque place et qu'elle ne s'adressera ni à l'ONU, ni à l'UE et encore moins à la Ligue arabe ou une quelconque organisation, s'est déclarée déterminée à se battre jusqu'au bout.

Elle appellera solennellement les responsables algériens à laisser travailler sans aucune pression le Conseil constitutionnel, pour trancher sur les centaines de recours que son parti a adressés à cette institution.

«Le Conseil constitutionnel est devant une responsabilité historique», tonnera-t-elle.

Interrogée sur le taux de participation enregistré à ces élections, Louisa Hanoune dira qu'il est exagéré malgré une forte participation de la population.

Tout comme elle n'a pas hésité à rire du taux de 90 % de votants pour Bouteflika.

«Le président de la République ne saura jamais combien de personnes ont voté pour lui», dira Hanoune en ajoutant que le chef de l'Etat s'en sortira fragilisé à cause de cette fraude, alors qu'il n'avait cesse de demander lors de sa campagne électoral, qu'il voulait être renforcé par le peuple sur la scène internationale.