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Démocratie inachevée

par Fouad Hakiki *

Ouf ! C'est fini, enfin ! Cette campagne électorale que d'aucuns ne languiront pas ! Elle a été vraiment pénible. Quel conformisme ! Quelle pauvreté des programmes et des idées ! Nous sommes certes habitués à ne pas croire nos politiques. Car plus ils promettent, moins ils donnent. Et d'expérience nous le savons : plus ils durent, moins ils promettent !

Mais cette fois, realpolitik et crise mondiale aidant, ce sont les généralités qui ont été à l'honneur. Alors que chaque nation se prépare à minimiser les dégâts des retombées de la dépression économique mondiale - au point, par exemple, que l'Arabie Saoudite est allée puiser dans ses réserves de change pour garantir sa croissance pour 2009 ! C'est dire ! - nos challengers de la campagne électorale n'en ont pipé mot.

L'on nous assurait un baril de pétrole à 70 $ pour 2009 et l'on prévoyait une Loi de finances 2009 à 35 $ - alors que dans ces mêmes colonnes, à la mi-juillet 2008 (lors de la visite de Mme A. Merkel), nous indiquions, avec d'autres, que le baril serait en 2009 à moins de 60 $ et qu'en novembre 2008 nous avions récidivé en contredisant publiquement les propos optimistes de certains de nos ministres quant aux « impacts de la crise sur l'Algérie ». Ce manque de réalisme économique de certains responsables - et à horizon de moins d'un an, SVP ! - est révélateur de l'insouciance de l'ensemble de nos politiques ? regorgés, ivres de quelques billets verts d'économie du Trésor public !



L'urne buissonnière ?



Pourtant, cette campagne avait bien démarré avec les propos dissonants de notre inimitable SG du RND : l'impossibilité d'atteindre le score mémorable de la participation électorale de novembre 1995 (en faveur du président Zéroual) ! Gonflée ou pas par « une fraude massive » (selon l'expression de M.Aït Ahmed), cette participation a été, pour beaucoup d'Algériens, réellement sincère : l'on voulait voir le bout du tunnel.

Qu'aujourd'hui encore où il n'est plus possible de jouer à l'urne buissonnière, l'on crie toujours à la fraude après tant de succès en dents de scie aux différents rendez-vous nationaux, cela n'aide pas à élever le débat démocratique d'un iota. À cause du manque de confrontation, d'absence de face-à-face des challengers au pouvoir politique ! Et en appelant au boycott, à la dissidence, à la fronde, à la « désobéissance politique » ou ? à l'absentéisme militant, cela ne donne-t-il pas du jus au parcours fort plat de ces élections ? Cela ne fait-il pas fait un peu agit-prop ? Un peu animation ?



?Face au verrouillage



N'est-il pas temps pour chacun - et à l'opposition en premier- de proposer, dans la crise que traverse de nos jours l'économie mondiale, des horizons clairs et des solutions viables à nos concitoyens ? Des solutions réellement praticables amenant au consensus le plus large dans le respect de chacun et de ses sensibilités idéologiques ou politiques républicaines. Ne devrait-on pas mobiliser l'opinion nationale comme ont su le faire bien d'autres dirigeants en Amérique latine ou en Europe centrale et orientale ? en période de crise ? Une opinion publique algérienne que les divisions politiques et les dissensions internes (au sein des partis politiques mêmes) rendent chaque jour plus dubitative, une opinion souhaitant voir transcender ces « prêches aux convaincus » que nos politiques font dans leur chapelle, une opinion que l'on prend à témoin, si ce n'est au chantage. Puisque, d'expérience, elle sait que l'option de l'urne buissonnière est un chemin escarpé jonché de violence et d'affrontements. Au lieu et place de la confrontation pacifique des idées et des programmes. Une confrontation que cette opinion publique aimerait voir fleurir en chacun de ses printemps.



Les promesses et le reste



Dès 1999-2000, il aurait été convenu (selon une rumeur de l'époque), que la fraude électorale serait bannie des pratiques d'intervention de l'Administration (civile et surtout militaire) ? aux prochaines élections présidentielles, soit en 2004 - ce qui expliquerait l'inimaginable épisode Benflis affrontant le Président en exercice ! L'on prévoyait ainsi une « ouverture ». Mais voilà qu'en 2009, à peu de choses près, les principaux promoteurs du « retour de Bouteflika » se retrouvent - toujours et encore- en première ligne. Avec - oh ! oui ! - plus d'expérience et ? de moyens.

Et de soutiens virils ! Comme l'indique (voir ci-dessous) l'hyper-masculinisation de notre corps électoral (certes, « révisé ») : plus de 55 % d'hommes !

Cette très étonnante configuration du « sex-ratio » de l'électorat algérien n'est pas, à notre sens, une résultante de quelconque bidouillage administratif. L'on peut en effet penser que beaucoup d'Algériennes sont empêchées de s'inscrire sur les listes électorales. Mais alors la question qui se pose est celle de savoir si elles figuraient précédemment sur ces listes ou pas. Car, sinon comment expliquer - qu'avant cette « révision » - ce phénomène n'ait pas été observé ? L'un dans l'autre, n'est-ce pas là un indice d'un dysfonctionnement à la base du système politique algérien ?

Cette exclusion de jure et de facto des femmes du champ de l'exercice des libertés publiques est grave. Elle est l'expression d'une démocratie inachevée? après plus de 47 ans d'indépendance.




(*) Économiste