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Fin et suite

par Ahmed Saïfi Benziane

En faisant semblant d'y croire on serait bien tenté de titrer «Fin du suspens» dès l'annonce des résultats des élections présidentielles et malgré la demande pressante des « autres candidats » (pour ne pas utiliser une formule de rongeurs désormais interdite) pour une sortie honorable après un deuxième tour risqué pour le pouvoir actuel.

Finalement pourquoi pas un deuxième tour ? Juste pour effacer les traces de la campagne la plus sûre de l'histoire du pays, particulièrement depuis la révision constitutionnelle publiquement à huis clos. La télévision nationale aura été le plus fidèle militant en faveur de la candidature de qui l'on sait et les dérapages dus au retrait des « autres candidats » auront été évités. On retiendra de cette campagne que la force est toujours du même côté au point où l'image d'une alternance au pouvoir a été carrément brouillée pour de bon. Le choix entre Charybde et Scylla déterminera l'avenir politique si aucune réforme n'est entamée, si aucun changement en faveur d'une ouverture politique n'est amorcé. La démocratie demeure certes l'apprivoisement de la dictature comme processus nécessaire pour remettre une nation au travail, mais le « dressage » passe par une vision claire de la chose publique, par la sanction des dilapidateurs et des crimes. Le rêve n'est permis qu'à ce prix d'autant que Bouteflika n'a plus rien à perdre durant un troisième mandat. « Qui doute encore de sa victoire ? » s'exclame un homme qui passe pour bien connaître le sérail sans en avoir touché les dividendes. On verra bien. S'il est vrai que la démarche pour la paix est passée par un compromis lourd de conséquences sera-t-il encore permis à un boucher sanguinaire repenti de revendiquer une succession de crimes qui a failli jeter l'Algérie dans le désastre ? Si la loi pardonne aux « égarés » leurs actes ignobles se substituant à Dieu, en contrepartie du dépôt de leurs armes, leur sera-t-il permis un jour d'écrire l'Histoire comme ils l'entendent ? L'Algérie ne peut plus se suffire de déclarations d'intentions ou de statistiques préfabriquées dans les écart-types, puisées dans une arithmétique incomprise, mais de réalisme en conformité avec ce qui se passe dans le monde.

Le monde bouge dans tous les sens et les capitaux en sont le déterminant le plus décisif. La crise mondiale qui aura la vie longue ne tiendra compte ni de nos petites comptabilités d'épicerie, ni de nos petits complots tribaux pour occuper des sols nus ou des sommets de platitude. Elle tiendra compte des capacités des gouvernants à mettre en avant les compétences capables de négocier le prochain ordre économique qui se décide d'abord dans les laboratoires de recherche. Cet ordre qui n'acceptera plus de fournir y compris par l'achat les denrées de bases desquelles nous dépendons pour notre survie. Nous avons bien vécu la crise des céréales à l'échelle mondiale et de ses répercussions sur le budget de l'Etat. Cela nous a amené à réfléchir à l'argent englouti par les programmes agricoles et à cette fameuse pomme de terre qui joue avec nos poches autant qu'avec nos nerfs, sans personne ne rende compte. La crise mondiale n'attend pas de discours de soutien à un cercle ou à un homme, elle attend la mise en place d'une dynamique où un pays n'est mesurable que par sa capacité à contribuer à la relance de la croissance. La crise mondiale impose des faits.

Nos discours vides de sens sur le nationalisme et autres appartenances douteuses fondront dans nos bouches asséchées si le pouvoir continu à faire la sourde oreille pensant rattraper les retards par la construction de logements, de routes, ou d'autres infrastructures. S'il pense que par l'argent la paix durera, ignorant que l'argent est le nerf de la guerre mais pas son âme. L'âme de la guerre c'est cette jeunesse à laquelle il est fait appel pour déposer un bulletin de vote, en continuant à croire que l'avenir se trouve ailleurs que dans un pays où les rêves sont sélectifs. Bien sûr que la télévision nationale nous renverra les images d'un peuples pressé dès les premières heures du matin d'en finir avec le rituel du vote, attendant l'ouverture des portails d'écoles pour se ruer sur les chaînes d'attente comme on se rue sur les soldes des grands magasins parisiens, comme on se rue sur les ambassades pour décrocher un visa vers l'incertain. Mais est-ce cette pratique qui prouve le degré de conscience ? Ou alors continuerons-nous à nous voiler la face tel un enfant qui pense qu'en se la voilant il ne peut être vu ? L'Algérie mérite beaucoup mieux que cela et bien des douleurs pourraient lui être évitées si l'argent n'avait pas tout pourri. Tout.