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Blida: Les citoyens parlent de la campagne électorale

par Tahar Mansour

Au moment où tout le monde parle, où chacun trouve à dire et à redire sur tel ou tel candidat à la présidence, dans une cacophonie où chacun essaie de se retrouver et de s'entendre, au milieu d'un déluge de chiffres, de révélations tardives, de promesses creuses, nous avons essayé de savoir ce que le citoyen moyen pense et, surtout, ce qu'il a envie de dire. Nous sommes dans une ville de la Mitidja qui a souffert du terrorisme et qui en souffre encore, à cause d'une réputation qui ne veut pas la lâcher. La première personne que nous abordons a l'air d'un intellectuel, qui hésite pourtant à répondre à une question somme toute banale. «Qu'avez-vous à dire concernant cette élection ?». Après un moment de flottement, il avoue «je crois que la meilleure chose qui puisse arrive à notre ville c'est que tout le monde vote et vote bien !». Devant notre air interrogatif, il continue : «nous savons tous qui va être notre futur président, alors il vaudrait mieux que les gens votent pour lui, comme cela, nous ferons un peu oublier cette réputation de frondeurs, de terroristes, que beaucoup ont voulu coller à notre ville. Nous sommes des citoyens comme les autres, il y avait des terroristes comme partout en Algérie, la plupart sont revenus à la raison, mais nous sommes toujours tenus pour tels, alors, si les gens vont voter pour celui qui sera président, nous aurons une petite chance de nous en sortir». Un jeune qui passait entra directement dans le vif du sujet : «écoutez, il faut aller voter, sinon vous pourriez avoir des ennuis plus tard, ne serait-ce que pour avoir certains documents», lâcha-t-il sentencieusement avant de poursuivre : «je pense que tout le monde doit aller voter, comme cela nous dirons à tous que nous sommes un peuple civilisé et que nous avons choisi nous-mêmes notre président». Dans un quartier d'une autre ville, un groupe de jeunes discutent bruyamment mais se taisent quand nous nous sommes rapprochés. Dès qu'ils apprennent que nous sommes de la presse, l'un d'eux nous demanda ce que nous voulions et, dès qu'il sut que c'était au sujet des élections présidentielles, il explosa : «vous n'écrivez que pour la Houkouma, venez voir où nous vivons, il n'y a ni goudron, ni eau, ni assainissement, nous vivons comme des animaux. Nous n'avons que faire des élections, c'est juste pour qu'ils se partagent l'argent, alors que nous n'avons rien». Ceux qui étaient avec lui le confortèrent dans sa réponse et reprirent de plus belle : «il a raison, écrivez et dites que les réfections des trottoirs, les aménagements des cités, le goudronnage des routes, tout cela n'a touché que les centres des villes ou les quartiers qui ont un élu à l'assemblée, venez avec nous et vous verrez». Nous avons dû leur promettre de revenir un autre jour. A l'entrée d'un marché, nous avons abordé un homme d'une soixantaine d'années et nous lui avons posé la même question. Il prit un air inspiré pour nous répondre : «vous savez, dans tous les pays, les citoyens se rendent aux urnes et élisent leur président ou leurs représentants de manière très démocratique, alors pourquoi faudrait-il que nous fassions exception ? Nous sommes obligés d'y aller et de donner notre voix à celui que nous considérons le meilleur, maintenant s'il y a fraude ou quoi que ce soit, nous aurons quand même fait notre devoir et c'est cela l'essentiel !». Un peu plus loin, c'est une femme, sous le poids de deux couffins remplis de victuailles qui attendaient le bus et qui engagea elle-même la conversation : «Ouf ! Heureusement que c'est bientôt terminé, ils nous rabâchent les oreilles à longueur de journée avec leurs promesses sans jamais les tenir. Nous avons un Président qui nous a ramené la paix, qui a construit beaucoup de logements, ouvert des routes, alors qu'il continue son travail et qu'on nous laisse tranquilles». Elle affirma qu'elle a toujours rempli ses obligations d'électrice et qu'elle ira voter jeudi prochain «même s'il pleut». Ailleurs, les gens vaquent à leurs occupations, sans paraître se soucier de ce qui se passe autour d'eux. Surtout les commerçants, ils n'ont qu'une idée : se faire le plus d'argent possible, de quelque manière que ce soit. Nous avons essayé de leur parler des élections mais ils se sont montrés, pour la plupart du moins, sans avis : «vous savez la politique a ses adeptes et ses hommes, nous, nous pouvons parler du commerce et de ce que nous endurons pour gagner notre vie», ont-il éludé la question. Quant aux militants des partis, c'est avec véhémence qu'ils ont répondu à nos questions. Abdelkader, la cinquantaine dépassé, militant très ancien du FLN : «Nous appelons tous les Algériens à voter car c'est un devoir national qu'il ne faut en aucun cas délaisser, il y va de notre avenir et de celui de l'Algérie», il poursuivit en affirmant : «tout le peuple est avec Bouteflika, car nous aspirons à la paix, à vivre tranquille, même si nous manquons de certaines choses, nous sommes fatigués de nous entretuer». Une jeune fille, militante d'un autre parti de la coalition, Fatima-Zohra, travaille dans le cadre du filet social à l'APC et a tenu à dire : «je me suis rendue chez toutes les femmes de ma famille et je leur ai demandé de se rendre aux bureaux de vote pour donner leur voix au candidat de leur choix, mais je ne vous cache pas que je voterai pour Bouteflika, c'est le seul qui pourra continuer l'oeuvre qu'il a commencée». Et c'est ainsi à travers tous les quartiers, qu'ils soient résidentiels, bidonvilles, de banlieue ou au fin fond de la forêt, il y a ceux qui sont convaincus que voter est préférable, d'autres ne veulent pas en entendre parler, d'autres, enfin, le font pour éviter des complications. A noter enfin que la campagne présidentielle a pris fin lundi dernier.