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Cerné, mis dans des bus, ramassé
dans des salles, obligé de servir de serviettes pour les bains de foules,
interdit de se reproduire ailleurs que sous les caméras de l'ENTV, menacé,
harangué, sollicité, doublé et maquillé, le Peuple des Algériens en est arrivé
à se passer des Algériens. Dans quelques jours, il ira voter sans eux ou sans
leur majorité. Il dira ce qu'ils ne pensent pas tous à la fois, sera satisfait
alors qu'il s'est fait violé, sourira alors qu'on lui a enlevé toutes ses
dents, marchera alors que rien ne marche, applaudira alors qu'il est ligoté et
se mettra au travail alors qu'il n'en a pas. Le Peuple, comme tout le monde l'a
constaté, n'existe pas et pourtant, c'est à lui que « L'Etat » et ses opposants
étatisés se sont adressés pendant la campagne, avant et après ; le Peuple ne
vote pas mais c'est lui qui est convoqué, le Peuple est à moitié mort et c'est
l'autre moitié qui est invitée, le Peuple est Algérien mais beaucoup d'Algériens
ne font pas partie de son parti.
Pourtant, malgré cette biographie de cadavre ambulant, il faut comprendre aujourd'hui le Peuple : il n'a pas de nom, mais des prénoms, il ne pèse guère, a peur, ne veut plus prendre ni les armes ni la route, mange mal et ne croit plus à son indépendance contrairement au pays. Il ne sait pas travailler, mange sans payer souvent sur don de l'Etat au point que c'est lui qui est devenu gratuit et assisté, pas sa semoule et son sucre. Mais, la raison la plus profonde est que ce Peuple a été si bien encerclé qu'il a fini par se rendre. Pas dans sa totalité mais seul, individuellement, par miettes et parfois, sans ses propres enfants laissés dans les ventres de leurs mères ou au bas des immeubles. Egaré, il se repent presque mais en cachette et sans se rassembler. Perdu et sans chefs pour lui indiquer la direction assistée, il suit d'instinct et mollement la direction du pipeline. Faut-il lui en vouloir ? Faut-il le changer ? Faut-il se dire qu'on s'est trompé de peuple ? Faut-il l'acheter ou le vendre ? Faut-il compter sur lui pour qu'il change et l'aimer après qu'il ait changé ? Non. Un peuple n'est fort et libre et bien habillé que lorsqu'il vous rencontre vous, pour qu'il vous donne une histoire pendant que vous lui offrez un visage. Il ne faut pas lui en vouloir : il habite l'Algérie pendant que vous, vous êtes chez vous, payé, nourri et entouré. Il est seul et vous avez des gens. Il n'a pas où aller et c'est pourquoi chaque fois «l'Etat» le rattrape, le met dans les bus de l'Indépendance ou dans les camions des armées des frontières pour l'utiliser comme l'outarde de ses oisivetés. Comment voulez-vous que ce peuple change si, vous, chacun de vous ne l'aime pas, parle de lui à la 3ème personne, même quand il le rencontre et l'évite quand il va dans les aéroports de l'Occident ? Si, aujourd'hui, il ne fait pas l'histoire, c'est que personne ne veut lui donner la sienne. C'est pour ça qu'il est devenu ce qu'il est. Et ce qu'il n'est plus depuis des décennies. |
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