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«Je
travaille nuit et jour, si on me le demande, à condition que je sois payée en
conséquence, mais qu'on me permette d'acheter le journal que je veux...»
Otchimine
ne reconnaissait plus sa voisine, la blonde infirmière. Elle qui ne parlait que
de maquillage, de voyance, la voilà qui s'installe pour défendre la pluralité
de l'information... Il est bien entendu, disait le «bogado», que le paysage
médiatique est un élément fondamental et révélateur de la démocratie. C'est
extraordinaire et très beau de voir s'épanouir différents titres. L'avocat
aimant s'entendre parler, il usait du geste et du cérémonial qui sied dans ce
genre de discussion, surtout quand l'auditoire jouait le jeu. Aujourd'hui,
l'occasion lui est donnée. Tous les voisins sont conviés chez «el-morkanti» à
l'occasion de l'arrivée de son fils «mel-ghorba». «Tant qu'il y a des
?jranine', rana ghaya ! Tout marche. La preuve: avant, quand il n'y avait qu'un
seul, ?kanette khatouffa'», leur dit le grossiste d'en bas. Zogha affichait son
sourire de star en mâchant son chewing-gum Hollywood... L'émigré, le fils
d'el-morkanti, n'est pas mal, se dit-elle, et puis «ezzine» ne se mange pas en
salade. C'est vrai qu'il est un peu âgé, mais elle sait que la raison essentielle
de sa visite au bled est de trouver femme. Elle avait mis sa plus belle robe et
s'était faite plus blonde que d'habitude, car elle voulait éblouir ce
célibataire endurci par son niveau intellectuel. Les interventions du grossiste
et de l'avocat lui ont donné l'occasion. «Daboghe, pour répondre au bogado, je
sais que s'il encourage la multiplication des journaux, c'est paghce qu'il
pense que plus il y augha de titghes, plus il y augha de diffamation, et plus
il augha de travail. Alors, il peut chanter vive la démocratie. Quant à jarna,
le grossiste, la seule fois où je l'ai vu discuter de journane, c'est quand il
s'agit de l'acheter au kilo. Alors, tabtabe sur une autre porte que celle de la
démocratie!». «Ça va», dit l'émigré en remettant le journal qu'il lisait à
Zogha. «Ça va, ça commence à se décoincer. J'ai remarqué qu'il y a des petites
annonces de mariage dans la presse...» Zogha rougit, s'arrête de maltraiter son
chewing-gum. Elle fait le plus beau sourire à l'émigré. «Tchu sais, quelquefois,
des filles de grande famille ont recours à ce genre d'annonce. Sait-on jamais,
El-Mektoub ! En plus il est plus décent de s'exhiber fi jornane que fi hammam».