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Le temps qui reste

par Abdou B.


«Un grand peuple sans âme est une vaste foule»
Lamartine

A juste raison, et malgré des réalisations indiscutables menées par des économistes et des experts algériens indépendants, tous les citoyens qui iront voter le 9 avril prochain et les autres s'interrogent et seront à l'écoute. Ils le font et le feront sur les intentions du vainqueur, quel qu'il soit, surtout s'il est bien élu. Dans le cas ou le vainqueur sera parmi les adversaires de l'actuel président de la république, à l'évidence le chemin sera très dur, semé de toutes les embûches et pesanteurs, pavé à perte de vue de réseaux rentiers, d'administrations fainéantes et attentistes, de clans de l'informel, de l'import-import et d'une foule d'abonnés absents devant l'impôt.

Les sectes invisiles, semble t-il, importatrices de pétards et autres produits prohibés, secrètent ex-mihilo des milliardaires qui sont inconnus du fisc, qui défient l'état, les lois et le respect minimum du vivre ensemble. S'il est élu, l'un des challengers pourra-t-il juste promettre de faire interdire ces importations délictueuses dont la dangérosité est prouvée à chaque arrivage? Même le président en exercice n'y est pas arrivé. Et que dire de certaines privatisations et ventes sclérates de biens publics au su et au vu de tous les appareils étatiques et des partis de l'alliance qui ont voté la loi sur les hydrocabures, rattrapée de justesse ?

SI M. bouteflika est élu, il est connu des Algériens, comme l'est sa manière d'exercer le pouvoir depuis qu'il a déclaré ne pas accepter d'être un «président aux trois quarts» seulement. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, pour que les Algériens se retrouvent en terrain connu avec celui qui brigue un troisième mandat. S'il est élu, c'est là qu'il est attendu par les chômeurs, les sans-logis, les retraités, les jeunes, les intellectuels et les artistes, les femmes, les chercheurs...et comme on ne prête qu'aux riches, les attentes sont lourdes et très variées, les embuscades et les résistances aussi. Au delà des appréciations très contrastées, en Algérie, sur la crise économique dans le monde qui voit se rétrécir la croissance, la consommation d'énergies fossiles avec la fin de l'hiver, le pays n'est pas à l'abri, ne serait-ce que par sa dépendance alimentaitre et la facture qui va avec. Cependant, il y a un temps pour chaque chose. Au moment où M. Bouteflika dénonce une «absence de vision» dans notre système de santé, la police convoque des journalistes, ce qui est le rôle de la justice. Est-ce vraiment pertinent, opportun et productif de faire jouer à la police un rôle qui n'est pas le sien lorsque deux canddiats à la présidence demandent la dissolution de l'APN ? Cette perspective souhaitable a de quoi séduire des électeurs. Elle souligne un point de vue commun entre deux partis concurrents, ce qui est plutôt rare dans ce pays où tout ce que propose l'autre est une émanation du diable, objet d'une fetwa illico-presto pour apostasie ou pour une autre joyeuseté à faire hurler de rire. La campagne électorale a encore du temps devant elle, de nombreux sujets peuvent être abordés d'ici le jour de l'élection. Il y en a un qui est un facteur important dans le fonctionnement démocratique d'un pays, qui contribue à donner des respirations à la société, surtout en cette période de crise mondiale qui met, dans le cas de l'Algérie, les seuls exportations dignes de ce nom au coeur du développement dans les décennies à venir. La nécessité d'un puissant audiovisuel national privé/public régulé par le cahier des charges et un conseil indépendant ne fait partie d'aucun discours pour ce qui est des candidats en lice. L'ensemble de la presse reprend en choeur et avec candeur le slogan publicitaire qui fait croire que l'Algérie en mars 2009 possède ... cinq chaines de télévision. Ce qui est parfaitement faux, s'agissant de quatre programmes déclinés au sein de l'ENTV devenu EPIC en 1990. Dans les pays «normaux» une chaine ou plutôt une société de programmes à un statut juridique, un siège, un cahier des charges, un conseil d'administration, un budget, un compte bancaire ... Les partis au gouvernement, le parlement et l'exécutif ne s'encombrent même pas du respect des formes légales. Il suffit d'un communiqué de presse pour créer...une, deux ou plusieurs «chaines». Qui peut indiquer aux Algériens où trouver l'acte de naissance de Canal Algérie et des autres, leur grille de programmes, le journal où ces programmes sont publiés, la composante de chaque conseil d'administration etc. Ce bricolage en 2009 est indigne des six candidats, comme l'est leur silence sur la question. Un audiovisuel national dont une partie serait tournée vers l'international est une des panoplies d'une diplomatie, tout autant que la diplomatie culturelle dont il faudra bien analyser l'absence alors que l'Algérie entend, à juste raison, avoir sa place, ni plus ni moins en Méditerranée, en Afrique et dans le monde. Bricoler des «machins» autour du ciné-club alors que les Algériens peuvent voir des dizaines de films par jour avec une parabole, des plus vieux aux plus récents, faire faire par le gouvernement des «animations» et des rencontres qui relèvent d'une simple association, c'est tourner le dos à l'ambition, au rayonnement et à un projet sociétal moderne et structurant. Mais la campagne n'est pas terminée, il y a encore de la place et du temps pour que les candidats s'engagent. Au fil du temps qui reste avant le 9 avril, chaque électeur se fera une opinion.