Le projet français d'une grande Union des Pays de la Méditerranée (UPM)
est décidément dans l'impasse. Et, au rythme où va ce projet, et au grès des
tensions géopolitiques entre les pays arabes et les soutiens d'Israël, il est
plus qu'évident qu'il fera long feu. Des sources européennes ont annoncé hier
dimanche à partir de la capitale égyptienne que la réunion qui devait marquer
la relance de l'UPM, gelée depuis l'agression israélienne contre les
Palestiniens à Ghaza (27 décembre-18 janvier), a été reportée à la fin avril. Initialement
prévue pour le 7 avril, cette réunion des hauts représentants des 43 pays
membres de l'UPM a été renvoyée, au conditionnel, au 28 avril, selon un
responsable européen en Egypte qui a requis l'anonymat. Ce projet, cher au
président français Nicolas Sarkozy qui l'avait lancé en grandes pompes le 14
juillet dernier dans les jardins de l'Elysée, ne fonctionne toujours pas selon
le canevas tracé. Ses institutions restent floues, et elle, l'UPM, n'a pas
encore de secrétariat général. A la demande du groupe des pays arabes qui ont
signifié leur refus de s'asseoir à la même table que des représentants
israéliens, toutes les réunions institutionnelles et techniques de l'UPM, qui
étaient prévues à partir de janvier, ont été annulées. La suspension de l'UPM a
été demandée formellement par l'Egypte. Depuis , »personne ne veut prendre le
risque de ne pas redémarrer dans la clarté» , a souligné Leonello Gabrici chef
de l'unité Euromed à la commission européenne à Bruxelles. En fait, c'est
précisément Le Caire, qui assure la vice-présidence du projet, qui freine des
quatre pattes. Avec une légitimité largement entamée depuis son rôle trouble
durant l'agression israélienne contre les populations palestiniennes à Ghaza,
l'Egypte ne semble plus, tout à coup, très chaude pour engager les grands
travaux prévus au sein de l'UPM. D'autant que beaucoup de pays arabes, et
particulièrement la Libye, Qatar et la Syrie, voient d'un mauvais oeil
aujourd'hui ce leadership égyptien au sein de l'UPM. D'autant que c'est
aujourd'hui l'Egypte qui fait machine arrière, après avoir soutenu à bout de
bras ce projet français, dans une tentative de rapprochement avec la France.
Leonello n'est pas loin de penser en fait que ?'les Egyptiens, en perte de
légitimité, et qui craignent d'être en porte-à-faux vis-à-vis des radicaux du
monde arabe disent oui, mais reculent sans cesse». Mais, si l'UPM était un
projet envisageable, avec de larges soutiens dans plusieurs capitales arabes,
il est devenu brusquement ?'un cadeau pourri'' après le massacre pratiquement
en direct des Palestiniens par Israël, qui doit siéger et prendre un poste de
SG adjoint au sein de l'UPM. La normalisation avec Israël en échange des
territoires, une offre de paix du sommet de Beyrouth de 2002 est aujourd'hui
largement obsolète. Israël, qui a montré que ses limites politiques la
conduisent à planifier le génocide des populations palestiniennes, ne peut
plus, du point de vue des pays arabes, avoir ce rôle de partenaire pour faire
de la Méditerranée un espace de paix et de prospérité. Certains analystes vont
jusqu'à affirmer qu'il est dès lors impossible de concilier les positions
arabes, et notamment des plus radicaux d'entre eux comme la Libye, avec les
objectifs politiques et militaires d'Israël dans une région condamnée à rester
le creuset de très violents conflits, parfois armés. Vue de Paris, la situation
ne peut être la même que celle qu'observent les populations arabes, ou
palestiniennes qui subissent le diktat d'Israël, avec la bénédiction des pays
européens. Il serait dès lors difficile de demander aux dirigeants arabes, qui
doivent se réunir à la fin du mois à Doha, de s'asseoir avec Israël et des pays
qui justifient le massacre des Palestiniens et la négation de l'Etat de
Palestine. Enfin, même au sein de l'UE, le projet d'UPM paraît largement
lézardé, autant par les clivages politiques dans l'Axe Paris-Berlin qu'entre la
France et la Suède, qui assurera à partir du 1er juillet la présidence de l'UE.
Et qui ne voudrait pas d'un projet encombrant, pratiquement à l'état de mort
clinique.