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Entrez, c'est fermé

par Ahmed Saïfi Benziane

Comme signe de sous-développement durable et par rupture consommée de confiance, les pays qui, comme le nôtre, ont été traversés par des perturbations politiques liées à des moments de leurs Histoires, font appel à des observateurs étrangers pour superviser les élections, particulièrement présidentielles.

Cela redonnerait confiance aux électeurs et surtout prouverait une volonté de transparence de la part des gouvernants. Mais cela prouverait aussi que la relation gouvernants/gouvernés laisse à désirer entre deux élections et que, si l'on fait appel à l'étranger, c'est tout simplement que le regard d'autrui et son témoignage revêtent une importance capitale pour la validation des affaires intérieures du pays. Les produits d'importation ont toujours été appréciés chez nous. Le Premier ministre actuel, ex-Premier ministre, ex-ministre d'Etat, ex-diplomate, n'ayant jamais quitté le sérail, déclaré par lui-même plus fidèle à l'Etat qu'à son parti politique, « éradico-réconciliateur » selon le mouvement des vagues, soutenu par de solides appuis, parlant au moins trois langues dont deux inscrites dans la constitution, vient de livrer son impression millimétrique d'une stratégie industrielle qui serait un produit purement algérien. La stratégie industrielle n'est pas bonne et on comprend maintenant qui a soufflé la déclaration du Président selon laquelle tout était faux et erroné. Faut-il conclure par une machination pour déclasser Temmar, compté parmi les amis de Bouteflika en pleine campagne électorale ? Cela parait peu efficace pour une tactique politique. En fait Temmar ne représente pas grand chose dans l'échiquier du pouvoir d'autant qu'il peut être aisément fragilisé sans user d'une critique aussi directe provenant d'un Premier Ministre, son chef indirect depuis la dernière constitution. Est-ce une manoeuvre pour rééquilibrer le pouvoir sur le plan régional si l'on considère qu'Ouyahya a plus subtilement critiqué aussi Zerhouni et Belkhadem comptabilisés à l'actif de l'ouest comme Bouteflika ? Ils ne sont pas les seuls de cet ouest dont on ne sait pas trop où il commence, en sachant toutefois qu'il se termine au-delà des frontières. Juste au-delà. Est-ce une sortie médiatique de campagne dans cette concurrence que se livrent les trois partis alliés pour les présidentielles plutôt que formant une alliance présidentielle ? Quand on sait que la partie est gagnée d'avance pour Bouteflika et sans surprise, on doit comprendre que cette concurrence ne sert qu'à se placer après les élections selon le tintamarre de chacun. Elémentaire et de bonne guerre. Mais alors pourquoi critiquer précisément une stratégie, première en son genre, qui a associé selon certains experts tous les acteurs institutionnels, mais dont on a peu tenu compte des recommandations, des modes d'emploi et surtout des contre-indications ? Parce qu'elle a été élaborée par des Algériens ? Parce qu'elle bousculerait les intérêts de certains groupes qui préfèrent maintenir l'Algérie la bouche ouverte vers les ports et aéroports plutôt que d'utiliser les ressources locales de développement ? Si tel est le cas, pourquoi n'avoir pas fait appel aux expertises étrangères comme d'habitude et pour un oui pour un non, et libérer les énergies pour que les dynamiques de ce pays se mettent en marche, enfin ? Ou alors élaborer une stratégie industrielle meilleure que celle que vient de déchiqueter le Premier ministre, juste pour dire qu'on peut mieux faire, et on peut certes toujours mieux faire. L'argent ne manque pas, l'avis des Algériens ne compte plus, bien que les bureaux étrangers finissent toujours par sous-traiter la ressource humaine algérienne ayant développé une expertise à l'ombre de certains projets soutenus par les organisations internationales, pour une bouchée de pain. Bien qu'au niveau des études, l'expérience a démontré qu'ils finissent au fond des tiroirs et que seules comptent les urgences accumulées. Veut-on empêcher les Algériens de parler stratégie pour parer aux déficits de débats et de concertations même sur le plan critique ? Le débat est fermé pour cause d'inventaire depuis bien longtemps et les seuls carillonneurs du mandat à vie arrivent à faire passer leurs messages à travers les tubes cathodiques sauvés par le zapping et l'article 120 a fait tellement de petits qu'on n'arrive plus à les compter. D'ailleurs on va bien rigoler durant la campagne qui promet cette platitude du discours faite de « âla koulli hal et de yaâni » propres à la langue de bois. Pour revenir aux observateurs étrangers qui ont la lourde tâche de se pavaner à travers quelques 1.541 communes réparties sur un territoire grand comme notre patience, on se demande bien comment évaluer leur efficacité, pour peu que l'arithmétique soit mise à contribution, alors que le pays vient d'être semé de commissions de contrôle. On est en droit de se demander comment ces femmes et ces hommes même avec un oeil averti, même étrangers, vont faire pour détecter la fraude électorale puisque leur mission consiste à la détecter en toute indépendance ou de valider la régularité des élections sur la base de la seule observation.

On est en droit de se demander jusqu'à quand nous devons faire appel à des observateurs étrangers pour crédibiliser notre système politique alors que nous n'arrivons pas à rétablir le peu de confiance qui existait déjà et mettre fin à l'émeute par des programmes sérieux et bien pensés stratégiquement.

D'ailleurs, une fois le jeu fermé et le verrouillage des portes assuré, entrera qui veut, il n'y verra que ce que l'on veut bien lui montrer. Le grand ménage a été minutieusement fait et chaque chose est à sa place pour le grand jour. Ça aussi c'est une stratégie qui a fait ses preuves mais qui n'a donné que des fruits amers par manque de critique.