L'Organisation des pays exportateurs
de pétrole (OPEP), qui assure 40 Pc de l'offre mondiale de brut, s'est-elle
fait hara-kiri dimanche à Vienne en décidant de maintenir inchangé son plafond
de production, au moment où les marchés s'attendaient à une hausse, fut-elle
minime ? C'est, en fait, un peu grossièrement ce que pensent nombre d'analystes
au lendemain d'une décision qui a confirmé que l'Arabie Saoudite reste un vrai
poids lourd de cette organisation. Ryad a été dans beaucoup pour que les 11
pays membres décident de ne pas augmenter la production, ou si l'on veut de
différer cette décision au mois de mai lors d'une réunion extraordinaire. Et,
au moment où la tendance penchait vraiment vers une baisse de production, Ryad
comme Koweït décidaient d'infléchir la balance pour calmer les demandes
pressantes de pays comme la Libye ou le Venezuela pour une décision qui soit
conforme au cours actuel de l'économie mondiale, et notamment l'état d'une
demande de brut en déclin. Ainsi, Ryad a décidé de soutenir non pas une
cohésion de l'organisation, mais l'économie mondiale qui, selon le ministre
saoudien du Pétrole, serait affectée si l'OPEP décide de réduire sa production
pour provoquer une hausse des prix. En fait, Ryad tout comme le Koweït, en
s'opposant à toute hausse de la production de brut dans la conjoncture
actuelle, voulait lancer des signaux clairs vers le G20 qui se réunit au
Royaume uni avec au menu comment dépasser la crise économique mondiale. C'est faire
preuve de naïveté que de croire que l'Arabie Saoudite ne pense que pour les
intérêts de l'organisation. Ryad, dont le brut est l'un des plus lourds et donc
nécessite un long processus de raffinage, a toujours défendu les intérêts des
cartels pétroliers américains et occidentaux. Il est stupide de croire que cela
va changer. Mais, la grande baffe, c'est le ministre algérien du Pétrole qui
l'a reçue en pleine figure. Juste quelques instants avant l'ouverture de cette
réunion, il déclarait aux journalistes avec un ton sûr, affirmatif : «Il y aura
un consensus» pour une réduction de la production. Il ajoutera, «le marché
s'attend à une baisse de 500.000 à 1,5 MBJ. De combien nous allons réduire,
c'est une décision que nous allons prendre au cours de la réunion». Hélas, le
coup de poker, ou le bluff de Khelil n'aura pas réussi. Il sera en fait
rabroué, tout comme les ministres iranien, libyen et vénézuélien. Comme quoi,
il y a vraiment une belle cohésion au sein d'une organisation qui a souvent par
le passé pris eau de toutes parts. Etait-il dès lors urgent de tenir une
réunion si tous les pays membres n'étaient pas sur la même longueur d'onde
quant à une décision finale claire et tangible à adresser aux marchés et aux
investisseurs ? Tous les analystes s'accordaient à dire, au lendemain de cette
réunion, que l'organisation reste incapable de maintenir une ligne dure, à un
moment où le marché attendait une décision ferme. Et, spéculer sur le respect
des quotas par les pays membres, une des positions défendues par Ryad, au
moment d'un surplus de brut sur le marché mondial est pathétique. Le SG de
l'OPEP, le Libyen Abdallah Al Badri a bien fait de s'emporter contre les pays
industrialisés qui veulent un brut à moins de 20 dollars, en déclarant que «les
pays développés doivent agir au lieu de parler» de plans de relance, de plans
de sauvetage, etc.
Dans la foulée, il affirmera que
la baisse des prix pétroliers représente une aide de 2.000 milliards de dollars
à l'économie mondiale. Certains, au sein de l'organisation, semblent avoir
oublié que l'OPEP a été créée pour défendre les intérêts de ses pays membres.
Pas ceux des cartels des pays industrialisés. Ni l'économie mondiale.