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Banque européenne et Medgaz : 500 millions d'euros dans du gaz algérien

par M. Saâdoune

La Banque européenne d'investissement (BEI), instrument financier de l'Union européenne, a confirmé vendredi des prêts d'un montant global de 700 millions d'euros à trois grands projets privés en Algérie et en Tunisie.

Il s'agit du gazoduc Medgaz, qui relie l'Algérie directement à l'Europe via l'Espagne, pour un montant de 500 millions d'euros. Deux autres projets en Tunisie ont reçu des prêts de 130 et de 70 millions d'euros. Il s'agit d'un projet tuniso-indien de construction d'une usine d'acide phosphorique, à Skhira dans le sud de la Tunisie, et de la construction d'un nouvel aéroport à Enfidha, dans le centre tunisien, qui sera exploité par un opérateur privé turc, TAV Holding CO, dans le cadre d'une concession de l'Etat.

La BEI, davantage portée vers la Turquie et au sud de la Méditerranée vers Israël et le Maroc, semble élargir un peu plus ses horizons. Dans un communiqué, annonçant la signature des trois accords de crédit, la Banque européenne d'investissement évoquait une « nouvelle approche » dans ses relations avec le Maghreb. « Une nouvelle tendance se dessine dans l'activité d'investissement au Maghreb ». Les trois opérations ont été signées par la FEMIP (Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat), créée en 2002 par la BEI pour agir dans la zone méditerranéenne. Son action est surtout dirigée vers le soutien au secteur privé et la création d'un environnement favorable à l'investissement. Le communiqué souligne que c'est « la première fois que la BEI accorde des prêts dans des secteurs clés de l'économie en faveur de projets de grande envergure qui mettent en oeuvre des technologies de pointe, font appel à des montages financiers très élaborés et satisfont aux normes internationales les plus sévères sur le plan de l'atténuation des incidences négatives sur l'environnement ».



Un projet «stratégique»



La lettre d'intention pour l'octroi du prêt de 500 millions de dollars a été signée, vendredi, à Barcelone, par Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la BEI, et Pedro Miro, président de Medgaz SA, un consortium constitué d'entreprises algériennes et européennes. Il va de soi que le soutien au projet Medgaz, en dépit des avanies subies par la partie algérienne en Espagne, est un projet « stratégique » au sens plein du terme. Le projet Medgaz, pratiquement finalisé, est mené par un consortium dans lequel Sonatrach dispose de 36% du capital contre 20% à l'espagnole Cespa, 12% à Endesa, 20% à Iberdola et 12% à Gaz de France. La BEI met en exergue la nature « stratégique » du projet car permettant de « renforcer la stabilité de l'approvisionnement énergétique de l'Union européenne ».

D'une longueur de 1.050 km dont 550 en territoire algérien, le projet d'un coût de 900 millions d'euros apporte dans une période initiale 8 milliards de m3 par an, volume qui pourrait être doublé par la suite. Dans une Europe assez méfiante à l'égard de la Russie, Medgaz a le mérite en diversifiant les sources, de renforcer la concurrence tout en assurant une disponibilité des approvisionnements. Récemment la Cespa et la Commission nationale de l'énergie espagnole ont appelé à une accélération de la mise en place de l'interconnexion de gaz entre l'Espagne et la France afin de rentabiliser l'investissement consenti pour Medgaz.

 

Sonatrach pas au bout de ses peines  



Le président de Cespa, Santiago Bergareche, a demandé une extension rapide des infrastructures en France pour intensifier les connexions entre le nord et le sud de l'Europe. La présidente de la CNE, Malte Costa, a estimé que la « logique » de Medgaz est de connecter le reste de l'Europe à travers la France. « Medgaz améliore non seulement la garantie d'approvisionnement de l'Espagne et de la France en gaz mais aussi celle de toute l'Europe » et il est « une excellente preuve de la coopération entre le nord et le sud de la Méditerranée et de nos intérêts communs ». Il l'est assurément. Et le financement accordé par la BEI le confirme.

Il reste que Sonatrach qui a agité la menace de se retirer du projet en raison de conditionnalités exorbitantes imposées par la CNE et qui limitent en fait ses droits au sein de Medgaz n'est pas au bout de ses peines. Ces conditionnalités, levées par le gouvernement de Madrid, sont aujourd'hui soumises à l'appréciation de la justice espagnole. Un jugement récent, qui ne se statuait pas sur le fond, a reconnu à Gas Natural un intérêt légitime à contester devant la justice la décision du gouvernement espagnol d'abandonner les conditionnalités prévues par la CNE. Affaire à suivre.