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Le coup de couteau à l'animal terrassé

par Kharroubi Habib

Dans la drôle alternance qui les a fait se succéder à la tête de l'exécutif gouvernemental, Belkhadem et Ouyahia se sont épisodiquement livrés à des passes d'armes aux véritables motivations demeurées obscures pour l'opinion publique. Tout ce que celle-ci a décrypté des empoignades verbales entre les deux hommes, c'est qu'elles se produisent en des moments où se précisent des intentions prêtées au chef de l'Etat de procéder à des changements d'équipe gouvernementale ou à des révisions d'orientation dans les politiques suivies par celle-ci. Si le décryptage est le bon, alors la charge lancée mercredi sur les ondes des trois chaînes de la radio nationale par Ouyahia contre son prédécesseur est un prélude à un événement de cette sorte.

Il est de notoriété publique que Belkhadem et Ouyahia se vouent une franche inimitié. Laquelle justifie à un certain point qu'ils s'échangent en certaines circonstances des considérations enrobées de fiel. Mais pas celles qui les font apparaître comme des antagonistes irréductibles en matière de programmes et de gouvernance, car enfin ils sont tous deux au service d'un homme, Bouteflika, et de sa politique, et qui plus est, alliés dans la coalition de gouvernement en charge de l'application de cette politique.

A notre sens, Ouyahia ne s'est attaqué aussi franchement cette fois à son prédécesseur que parce qu'informé que celui-ci est en perte de vitesse dans les faveurs présidentielles. Décrier alors la gestion de Belkhadem et les méthodes qu'il a utilisées en tant que chef du gouvernement est la façon dont Ouyahia croit faire la démonstration qu'il est synchrone avec les reproches et griefs de Bouteflika à l'encontre de l'ex-locataire de la chefferie du gouvernement.

L'attaque d'Ouyahia contre Belkhadem s'est cette fois accompagnée de celle ciblant le ministre de l'Industrie et de la Promotion, Abdelhamid Temmar. Lequel, selon une rumeur persistante, serait lui aussi en grande disgrâce auprès du Président.

Dans les deux cas, la sortie du Premier ministre s'apparente au «coup de couteau donné à l'animal terrassé». Ouyahia n'a pas l'exclusivité d'un tel comportement. Belkhadem a agi de même contre lui. Ni l'un ni l'autre n'en sont grandis.

Tout ce que l'on retient de leur «guerre» est qu'il n'existe aucune cohésion et cohérence dans l'équipe d'hommes politiques sur laquelle Bouteflika s'appuie pour gouverner. Celui-ci a fait alterner Ouyahia et Belkhadem en leur assignant pour instruction première de veiller à ce que l'exécutif gouvernemental fonctionne et travaille dans la solidarité. L'un comme l'autre ont été les premiers à écorner celle-ci par des querelles politiciennes dont sont absents toute vision et tout comportement de vrais hommes d'Etat.

 Si un troisième mandat pour Bouteflika peut servir à quelque chose, ce serait qu'il contribue à l'émergence d'un tout autre personnel politique à qui confier la gestion du pays.