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La rupture des relations diplomatiques avec l'Iran décidée
par Rabat peut difficilement être expliquée par les tensions nées entre Téhéran
et le Bahreïn, à la suite des déclarations d'un conseiller du Guide de la
révolution mettant en cause la souveraineté du petit émirat. Et pour cause,
cette décision est annoncée alors que la crise est apaisée, le président iranien
Mahmoud Ahmadinejad ayant adressé un message de confort au roi du Bahreïn.
La rupture des relations diplomatiques est un acte extrême : dans les usages internationaux, elle se situe immédiatement avant une déclaration de guerre. Il convient donc de l'utiliser avec la plus grande circonspection. Au cours du martyre subi par Ghaza, le Maroc s'est brutalement souvenu que le Venezuela entretenait des relations avec le Polisario et a décidé de rompre les relations diplomatiques avec la république bolivarienne. Etait-ce pur hasard que ce retour de mémoire s'effectue immédiatement après la décision d'Hugo Chavez, applaudie par les opinions arabes, de renvoyer l'ambassadeur israélien ? La rupture des relations diplomatiques avec l'Iran intervient cette fois-ci après la décision de la Mauritanie de renvoyer les diplomates israéliens. Il n'y a pas forcément un lien entre les deux évènements. Quoique, vis-à-vis de ses alliés occidentaux et du Golfe monarchique, une telle concomitance soit de nature à améliorer l'image du Makhzen. Le communiqué marocain annonçant cette rupture condamne un « activisme avéré » contre «l'unicité du culte musulman et du rite malékite sunnite dont est garant le roi Mohammed VI», dont l'Iran serait coupable. Il s'inscrit de ce fait dans la tentative de fabrication d'un «ennemi perso-chiite» qui menacerait un monde arabe sunnite. Cette construction, aussi détestable que grossière, est datée : elle est née après la remarquable résistance du Hezbollah à l'agression israélienne en juillet 2006. Du Caire à Ryad, il a été décrété qu'Israël, l'ami du parrain américain, n'est pas l'ennemi et que le danger vient exclusivement de l'Iran et d'un fantomatique «arc chiite». Des médias et des religieux ont été mis à contribution pour accréditer le thème de la menace chiite. Une bénédiction pour les Etats-Unis qui cherchent à isoler l'Iran et éventuellement à l'agresser militairement. Les discours arabes sur la menace perse peuvent servir d'alibi et de préparation des opinions à une telle éventualité. Une des causes du froid qui existe entre les alliés arabes des Etats-Unis et Damas tient au fait que la Syrie s'est refusée avec constance à se «tromper d'ennemi». La décision marocaine est donc plutôt à mettre en perspective avec le récent discours anti-iranien du chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud Al-Fayçal, appelant les pays arabes à l'union face au «défi iranien». C'était le 3 mars dernier, à l'ouverture d'une réunion des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire. «Afin de consacrer la réconciliation arabe, nous avons besoin d'une vision commune sur les questions relatives à la sécurité arabe et afin de faire face au défi iranien». La sortie du ministre saoudien était le signal d'une relance du discours sur la menace perse alors qu'aux Etats-Unis, la nouvelle administration n'a pas encore définitivement tracé de plan d'action au sujet de l'Iran. Il n'existe pas au Maroc, pas plus qu'en Algérie, une menace chiite, ce qui n'exclut pas que des individus soient tentés par le chiisme... ou les évangélistes. En Arabie Saoudite et dans d'autres pays arabes du Golfe, la question « chiite » se pose d'abord en termes de citoyenneté et d'égalité refusées à ceux qui se reconnaissent dans la tradition de l'Imam Hussein. L'Iran, « ennemi du parrain », sert également de diversion à des réalités très locales et très peu démocratiques. |
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