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«Toutes choses sont dites déjà; mais comme personne n'écoute, il faut toujours recommencer». A. Gide. La campagne électorale pour l'élection présidentielle du 9 avril 2009 se déroule et les candidats sont désormais connus, après leur validation par le Conseil constitutionnel. Les positionnements des formations politiques, des postulants à la marginalisation suprême, des journaux, des associations, tous participent, de la majorité au Parlement aux oppositions disparates d'un exercice convenu. Tous s'inscrivent dans un processus démocratique, dans des pratiques censées aboutir à ce que le dernier mot soit dit par les électeurs, par le peuple souverain. Parmi tous les acteurs et actants qui sont pour que M. Bouteflika obtienne un troisième mandat avec le maximum de votes positifs et avec un bas niveau d'abstentions, personne n'a l'outrecuidance de prétendre que le processus démocratique et le pluralisme algériens fonctionnent normalement et sereinement. Le cheminement historique du pays depuis l'indépendance, la formation sociale, la crise culturelle dans toutes ses dimensions, le statut réel de la femme, les atteintes aux droits de l'Homme, la décennie rouge et un terrorisme qui a été d'une violence extrêmement rare sur la planète ont généré des régressions très profondes. Hautement imparfaite, fortement contrariée, la démocratie en Algérie a encore de longs et pénibles chemins à parcourir. «La démocratie est une politique de la reconnaissance de l'autre», écrit Alin Touraine dans son essai «qu'est-ce que la démocratie ?». Reconnaître l'opposition par le pouvoir peut paraître plus facile pour celui-ci que la reconnaissance du pouvoir en Algérie par l'opposition. Mais pour que la reconnaissance fonctionne de part et d'autre, il faut un minimum incontournable, nécessaire, vital, qui constitue la base même culturelle, politique, d'un savoir-vivre pour des humains civilisés. Ce minimum basique se résume au fait de se parler, de dialoguer sachant qu'il y a des intérêts dits supérieurs qui dépassent le pouvoir et l'opposition animés qu'ils sont par des femmes et des hommes, simples mortels, exposés à une simple grippe, un accident de voiture sinon à un voyage sans retour pour chacun. Lorsque ce dialogue entre compatriotes sera entendu par les Algériens qui n'ont qu'un territoire où ils cohabitent dans la diversité sous le règne de «la loi, de la science et des droits de l'Homme», l'Algérie sera une démocratie comme il y en a de par le monde. Qui aura la volonté et le courage politique d'être le premier qui dira aux Algériens qu'il souhaite cette démarche culturelle entre gens civilisés et modernes ? Dans l'attente, comme dirait un courrier administratif, des élections vont bientôt se tenir engageant l'avenir à court terme et plus loin encore, dans une crise mondiale qui fragilise aujourd'hui et laissera des séquelles, y compris en Algérie qui accuse des retards considérables aux plans culturel, sanitaire, de l'indépendance alimentaire, du logement etc. Le jeu habituel avant le dépouillement des urnes consiste à ce que les candidats se dévoilent s'ils ne sont pas assez connus, populaires et éventuellement charismatiques comme une star de cinéma, et communiquent aux électeurs un programme complet qui tranche avec les autres ou s'en différencie sur des axes importants. S'ils sont connus des électeurs et sollicitent un autre mandat, comme c'est le cas pour le Président de la République, il est attendu le plus normalement du monde des audaces nouvelles, un rajeunissement fondé des élites politiques, économiques, culturelles et surtout dans son propre camp pour favoriser par volontarisme l'arrivée aux pouvoirs de jeunes, de cadres d'ici ou recherchés dans la diaspora nationale où il y a des réussites indiscutables dans des systèmes où la concurrence la plus dure est la loi, celle de la compétence et du mérite. Tous les candidats sont particulièrement attendus par une grande famille, pas en termes de légitimité, d'accès aux diverses rentes ou de cooptation. Cette famille l'est d'un point de vue comptable dans la mesure où elle constitue un sérieux réservoir de voix et de voies porteuses. Les champs de la culture, de la création, des arts et de l'ensemble des métiers et des sous-traitances, leurs périphéries journalistes, associatives, familiales et amicales se chiffrent par des milliers d'électeurs, de relais dans l'opinion sur tout le territoire national et à l'étranger. Ces ensembles peuvent totaliser et rassembler des voix variées, de toutes les sensibilités politiques, plus ou moins autonomes des idéologies, soucieux qu'ils sont surtout de participer dans la liberté au développement et au rayonnement de la culture algérienne. Celle-ci doit rompre avec les archaïsmes, les logiciels autoritaires et administratifs qui font qu'une fête au douar ou un festival tristounet fait côtoyer l'artiste, la tenue militaire, le wali, le ministre et souvent des diplomates étrangers. A ce jour, dans les programmes réduits à des pétitions de principes généraux et généreux, des anathèmes, des tonnes de populisme ringard, des exclusions qui puisent jusque dans les registres religieux, aucun renouveau n'est annoncé pour que la culture soit considérée au même titre que l'agriculture, l'industrie, les énergies nouvelles, la santé, l'eau et l'électricité. Le passage de la sphère culturelle, au sens le plus large à l'ère industrielle, à celle du management et d'un système bancaire, à des cursus de formations du plus haut niveau, au numérique partout ne peut plus être différé sous peine de retards qui ne seront pas comblés de sitôt. Si la société a besoin de satisfaire des besoins primaires nécessaires à la vie, au travail, aux soins et au confort, elle a aussi un besoin vital de nourritures vitales que ne peuvent fournir que l'art et la création, la musique, les danses, le cirque, l'architecture et la peinture, le film, le théâtre, les musées et la sculpture etc. A l'évidence, tout un monde attend de dépouiller les programmes des candidats autour de la culture avant de choisir ou pas un bulletin de vote. Et il y a du monde qui observe. |
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