Comme chaque année et à près de 15 jours du
Mouloud Ennabaoui, les rues et les marchés algériens vivent au rythme des
explosions presque ininterrompues des pétards, des fusées et autres mini-bombes
que des jeunes espiègles lancent sous les pieds des passants.
Pourtant la législation est claire à ce
sujet : stricte interdiction d'importer des pétards ! Alors comment expliquer
les quantités astronomiques de ces explosifs dangereux à plus d'un titre que
nous trouvons au bas des immeubles, dans les marchés, sur les trottoirs, aussi
bien en ville que dans les campagnes, étalées au vu et au su de tout le monde.
Pour les prix, nous trouvons pour toutes les bourses, surtout celles des petits
enfants qui oublient pour quelque temps les bonbons et autres friandises qu'ils
avaient pris l'habitude d'acheter avant d'aller à l'école. Ainsi, pour le petit
pétard que certains jeunes font éclater dans leurs mains devant les mines
ébahies des copines de classe, le prix se situe entre 2 et 10 DA, selon la
grosseur et le bruit émis. Il y en a d'autres qui coûtent entre 20 et 200 DA,
mais ceux-là sont autrement plus dangereux et les accidents qu'ils causent son
légion. Il y a aussi les fusées, des plus simples à 30 DA aux plus grosses qui
dépassent les 500 DA, ou encore les feux d'artifice qui ne sont achetés
généralement que par quelques riches tant le prix est élevé, puisqu'il dépasse
dans certains cas les 3.000 DA, même si on en trouve à moins de 1.000 DA mais
la qualité est vraiment médiocre. Mais le simple citoyen ne peut que se
demander comment tous ces produits pyrotechniques sont ainsi vendus partout
alors qu'ils sont interdits. Nous avons demandé à un revendeur le lieu où il
s'approvisionnait et il nous indiqua les abords du marché de La Lyre, dans la
basse Casbah. En ces lieux, les quantités de produits pyrotechniques sont
extraordinaires, même si à première vue nous avons l'impression que ce ne sont
que des étals comme partout ailleurs. Mais le non-initié sera étonné de voir
les grandes sommes d'argent qui changent de mains puis l'acheteur qui
accompagne l'un des vendeurs quelques mètres plus loin puis revient avec un
grand carton qu'il porte difficilement. Outre cela, nous remarquons que la
quasi-totalité des gens se connaissent et ils n'ont pas besoin de beaucoup
parler pour s'entendre sur les prix, la qualité et les quantités voulues. Nous
faisant passer pour un éventuel client, nous avons demandé à l'un des vendeurs
de nous donner les prix de quelques produits mais comme il a senti un
non-averti, il a essayé de nous arnaquer. Mais jusque-là, nous connaissons les
grossistes, et encore, mais où se trouve l'importateur ? Les regards noirs que
nous lança un jeune, qui avait pourtant l'air aimable une seconde auparavant,
nous dissuada de continuer dans ce sens. C'est la véritable loi de l'omerta qui
est pratiquée dans ce genre de négoce et personne n'ose ni ne pense à chercher
qui est derrière tout cela. Bien sûr, certaines mauvaises langues parlent de
gens haut placés mais c'est tout. Passant à un autre registre, nous nous sommes
rendus dans un quartier populaire d'une commune blidéenne - mais c'est partout
la même chose sur tout le territoire national - et nous avons essayé de
recueillir quelques avis des passants. Pour les vendeurs, c'est l'occasion ou
jamais de gagner beaucoup d'argent en un temps relativement court puisque,
d'après l'un d'eux, il dépasserait les huit mille dinars de bénéfice par jour.
Les jeunes et les enfants trouvent là un exutoire à leur énergie contenue et
s'amusent sans discontinuer à faire éclater les pétards quand les autres les
attendent le moins, les faisant sursauter au milieu de rires moqueurs. La
veille du Mouloud, ce sont tous, grands et petits, qui achètent des pétards,
des fusées, des feux d'artifice et les pétarades se font entendre sans
discontinuer jusqu'à une heure avancée de la nuit. En faisant un petit calcul,
nous nous rendrons compte que les dépenses se chiffrent par milliards, et les
bénéfices engrangés par les importateurs s'écrivent aussi avec neuf ou dix
zéros. Mais outre ces dépenses inutiles, ce sont les dangers que représentent
ces produits qu'il faut rappeler à chaque fois et tenter sinon de dissuader les
gens de les acheter, au moins de faire prendre conscience des risques encourus.
Pour rappel, l'année dernière, des dizaines de magasins et d'habitations ont
été la proie des flammes et un nombre important de citoyens ont été blessés,
certains très sérieusement. C'est donc un problème de santé publique qui est
posé par ces produits pyrotechniques fabriqués pour la plupart en Chine, ce qui
nous ramène à la qualité et, de là, à la sécurité, car il n'y a qu'à se
remémorer les dizaines d'usines clandestines qui ont sauté avec leurs employés
dans ce pays, pour nous inciter à faire encore plus attention. Enfin, même les
imams rappellent aux fidèles que fêter la naissance du Prophète (QSSL) ne doit
pas se faire avec des pétards, mais plutôt en lisant le Saint Coran et en
essayant de lui ressembler dans ses relations avec les gens.