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Nos mères et nos grands mères connaissaient le gingembre (Skendjbir pour les Algériens et Zendjabil en arabe), l'utilisaient dans la plupart des plats succulents qu'elles concoctaient et l'utilisaient aussi pour des gâteaux, sans parler des tisanes et autres médications dont elles avaient le secret. Puis, comme d'ailleurs beaucoup d'autres choses, les habitudes ont changé, le gingembre n'est plus utilisé que comme ingrédient quelconque et par très peu de familles. Les femmes n'utilisent que les épices connues et largement disponibles sur le marché. Durant le mois de Ramadan écoulé, l'ENTV a fait passer à une heure de grande écoute un docteur arabe, spécialiste en traitement médical aux herbes médicinales qui a parlé du gingembre durant plusieurs semaines consécutives, décrivant toutes les propriétés curatives de cette plante qui ressemble à des racines d'arbres. Le docteur rapporta un verset du Coran qui parle du gingembre puis énuméra la composition chimique et physique de la plante tout en parlant des maladies que le gingembre peut guérir s'il est pris en association avec d'autres plantes médicinales, selon des recettes connues des seuls spécialistes. Les maladies que le gingembre est sensé guérir sont très nombreuses et très répandues, ce qui a donné au programme télévisé une audience très grande. Juste après l'Aïd, nous avons été surpris de retrouver le gingembre partout à travers les rues, dans les marchés, chez les vendeurs à la sauvette et aussi dans les magasins. A chaque coin de rue, de jeunes vendeurs proposaient des morceaux de gingembre à l'état naturel à des prix assez élevés, variant de 30 DA pour le plus petit à 150 DA et plus pour le plus grand. Les gens achetaient et achètent toujours le gingembre et nous avons essayé de savoir comment ils comptaient bien l'utiliser et pour quelles maladies.. L'étonnement prit la place de la curiosité quand nous entendîmes les reprises de la quasi-totalité de ceux que nous avons questionnés (une quinzaine environ). En effet, ils étaient plus de dix à avoir répondu qu'ils allaient attendre la prochaine émission pour mieux écouter et écrire les recettes pour obtenir ce qu'il convient pour leur maladie. Et le plus étonnant encore, c'est que plus de la moitié ont prétendu ne pas être malades, mais qu'ils allaient prendre du gingembre pour ne pas tomber malades ! Et quelques jours plus tard, les gens pouvaient commander une tisane au gingembre dans les cafés (pour 20 DA et plus la tasse) ou acheter des sachets importés des pays du Golfe contenant des tisanes diverses au gingembre, du thé au gingembre, et beaucoup d'autres choses aussi au... gingembre. Jusque-là, et comme les sachets portaient les noms et adresses de ceux qui les ont préparés, on pouvait toujours dire que le danger n'était pas grand mais, actuellement, nous trouvons sur le marché des dizaines de mixtures préparées par des inconnus, qui ne comportent aucune indication, totalement anonymes et, bien entendu, potentiellement dangereuses. Certains proposent un morceau d'une préparation couleur miel, ressemblant à un bonbon aplati, comme une plaquette, et affirment que c'est du gingembre mélangé à du miel et qu'il guérit toutes les maladies tout en prévenant celles que nous n'avons pas encore attrapées. Il y a aussi des bocaux qui contiennent une mixture étrange, des sachets remplis de grains qui sont proposés aux passants qui, sans même y penser, achètent et à des prix élevés. Bien entendu, il est loin de nous de nier les propriétés du gingembre ou d'en vouloir minimiser les effets, mais il y a lieu de rappeler que ce sont les spécialistes en pharmacologie qui peuvent, et eux seuls, préparer des médicaments à partir de plantes ou d'autres choses, et que si nous dépassons une certaine dose, le médicament peut se transformer en poison violent. Il faudrait donc que les autorités sanitaires et administratives prennent les choses en mains pour éviter une catastrophe à grande échelle, qui pourrait être causée par des vautours qui veulent s'enrichir très vite au détriment de la santé publique. |
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