Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Vieux bâti: Oublié, le bricolage ?

par Moncef Wafi

Constamment décrié comme l'une des plaies d'Oran, le vieux bâti est en train de s'inscrire dans une autre vision futuriste de la ville en s'apprêtant, à coups de milliards et de programme de réhabilitation, à vivre une véritable mue.

Dossier hautement sensible et à risque, le vieux bâti a, de tout temps, exacerbé les tensions sociales et ravivé le ressentiment d'une population locale qui a revêtu à satiété l'habit de la victime. « Des laissés-pour-compte », comme tient à nous l'expliquer un sinistré de la rue de Ténès, à Sidi El-Houari, habitant depuis vingt ans un immeuble menaçant ruine. Ainsi, et après des années de « bricolage » officiel et de replâtrage de circonstance, les pouvoirs publics semblent avoir pris la pleine mesure de la question puisque le temps de l'action est de mise. Selon des urbanistes, l'Etat ne veut plus se faire déborder sur ce dossier et privilégie dorénavant les actions en profondeur, en procédant à une politique de réhabilitation du vieux bâti sur fond d'un programme d'aménagement de la ville d'Oran. Dans ce cadre, la direction de l'Urbanisme et de la Construction a lancé un programme de diagnostic du vieux bâti au niveau de la wilaya. L'opération a touché en premier lieu les immeubles de la zone d'Oran-centre composée des quartiers du centre-ville, Plateau et M'dina J'dida, où plus de 20.000 logements ont été recensés. L'opération se poursuivra dans les prochains jours pour toucher l'ensemble des six zones ciblées par ladite direction, avant de déterminer le plan d'action du programme de la réhabilitation. Cependant, et pour les premiers concernés, l'heure n'est pas à la programmation et au montage des opérations, mais l'urgence du terrain appelle à une réaction instantanée des services concernés pour leur prise en charge immédiate. Pour les locataires d'immeubles appartenant à des particuliers, la situation a ce quelque chose d'exceptionnel qui fait qu'ils ne sont pas tous concernés par ces opérations de réhabilitation. L'exemple du 13, Rue Boumoussa Benothmane est édifiant. Les locataires de cette bâtisse, qui ont vu leurs toits s'effondrer partiellement sur leurs têtes, n'ont eu d'autres recours pour dénoncer leur situation que de manifester devant le siège de la wilaya. Ils avaient sollicité l'aide des pouvoirs publics en vue d'une solution à leur situation qui dure depuis plus d'une année, mais en vain. Plus d'une vingtaine de femmes accompagnées de leurs enfants avaient manifesté devant les locaux de la wilaya, avant d'être priées de libérer les lieux. L'autre exemple est celui des immeubles des rues de Ténès et Béni-Saf à Sidi El-Houari.

Les locataires se sont plaints à plusieurs reprises à qui de droit, mais sans voir leur cas trouver de solutions définitives. C'est avec des documents à l'appui que les représentants des deux bâtiments ont fait part de leur peur de voir leurs immeubles respectifs s'écrouler sur leurs têtes et sur celles de leurs colocataires. «Cette appréhension, nous la vivons quotidiennement. Plus particulièrement les journées où la pluie bat son plein», ont-ils souligné. Les bâtisses en question, qui datent de l'époque coloniale et qui se situent respectivement au 07, Rue de Béni-Saf et au 02, Rue de Ténès, se trouvent dans un état de vétusté très avancé et risquent à tout moment de s'effondrer. Selon les documents présentés, dont le rapport de la Protection civile établi le 24 août 1981, la situation «de danger imminent» de l'immeuble perdure depuis plus de vingt ans. Un autre rapport de la même direction, établi le 10 décembre dernier, stipule clairement que ses éléments sont intervenus en décembre suite à l'effondrement partiel de ce même immeuble. Pour celui situé à la Rue de Ténès, un rapport rédigé par le secteur urbain de Sidi El-Houari mentionne «la menace d'effondrement». A ce rapport, il est joint celui du constat d'un huissier de justice où il est signalé l'écroulement de quelques parties et la vétusté des lieux.La pluviométrie record de cet hiver a contribué à mettre davantage à nu le problème du vieux bâti local et à fragiliser la structure des bâtiments menaçant ruine, et surtout, à creuser un peu plus le fossé entre administrés et administration. « Attendent-ils qu'il y ait mort d'hommes pour se secouer ? », s'interrogent ceux qui sont dans l'attente d'un nouveau toit. Les exemples de ce genre ne manquent malheureusement pas et les affaissements et effondrements sont nombreux pour ne pas alimenter simplement la case des faits divers. Le problème est d'autant plus épineux, dans une ville de l'envergure d'Oran, que le dossier du vieux bâti peut basculer en une nuit et sortir de son aspect urbanistique pour investir la rue. Du côté des pouvoirs publics, les commissions de diagnostic des immeubles se relayent sur le terrain pour dresser un inventaire sur l'état des bâtisses dans différents quartiers populaires d'Oran, et les chiffres se succèdent pour quantifier les immeubles à réhabiliter.