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Election présidentielle : Que dira Bouteflika ?

par Ghania Oukazi

«Du candidat du consensus» qu'il a été en 1999, c'est en tant que «candidat de l'alliance» que Bouteflika annonce en principe- aujourd'hui sa candidature à l'élection présidentielle du 9 avril prochain.

Selon les états-majors des trois partis de l'Alliance présidentielle, la cérémonie sera grandiose et aura lieu à la coupole Mohamed Boudiaf du complexe olympique du 5 Juillet. Ce n'est qu'hier que la direction de la communication du «comité de préparation de l'annonce de candidature de monsieur Abdelaziz Bouteflika» a, dans un communiqué, écrit que «les journalistes et photographes accrédités sont invités à se présenter à l'ISTS (enceinte du complexe) aujourd'hui, le jeudi 12 février à 10h, afin de retirer leur badge».

Il semble ainsi que «le consensus» n'est plus de mise pour un pouvoir qui s'est vu effriter ses pools dès l'intronisation de Bouteflika à la tête de la présidence de la République. Entendre par consensus, un accord minutieusement négocié entre les tendances lourdes du pouvoir à savoir les militaires, les services et quelques personnalités de poids qui, dans d'autres circonstances, on appellerait « les notables ». En 1999, Bouteflika, ressurgi des dédales de l'histoire dont les arcanes ne sont pas toujours faciles à pénétrer, avait bien besoin de ce type d'entente entre l'ensemble des sphères décisionnelles. A l'époque, elles étaient bien nombreuses. D'ailleurs, il n'a pas été facile pour lui de l'avoir notamment après s'être distingué par le refus tonitruant qu'il a jeté en 1994 à la face de «la conférence» qui devait le plébisciter pour être président.

Rompu comme il l'a toujours été à la pratique du pouvoir de l'ombre, Bouteflika avait demandé, selon ses proches, des garanties de l'armée et une désignation par son Conseil de sécurité pour ne pas être «un trois-quarts de président». Ce qui lui a été refusé. D'autant qu'il savait, dit-on, que dans la salle où était réuni un très grand monde, il y aurait un courant qui devait plutôt le chahuter. L'on dit qu'après qu'il fut rentré chez lui, ses «compagnons» lui avaient envoyé, dans la nuit, Chérif Belkacem dit Djamel pour tenter de le lui faire changer d'avis et le faire revenir sur sa décision de rejet du poste de président. Ils avaient ainsi fait tout faux parce que, explique-t-on, Bouteflika n'était pas en odeur de sainteté avec Si Djamel. Il aurait donné un coup de pied à la porte de son appartement pour la refermer et ne la rouvrir le lendemain que pour s'envoler sur Genève. Ces rappels, déjà parus dans ces colonnes, semblent garder aujourd'hui toute leur importance dans le sens où nul ne peut prétendre bien connaître Bouteflika ou savoir ce qu'il pense exactement.

Son retour en 1999 aux affaires politiques nécessitait un nouveau travail de «proximité» auprès des sphères du pouvoir pour être «le candidat du consensus» qui devait briguer sans entrave un mandat présidentiel. C'était Larbi Belkheir qui s'en était occupé avec un grand tact. Il en sera le grand parrain jusqu'à avoir été obligé de reprendre du service au palais d'El Mouradia pour coordonner entre le nouveau locataire -Bouteflika-, l'armée et les services. C'est un peu ceux qui avaient pour qualificatif «les Janviéristes », tous ceux du pouvoir qui ont été à l'origine de l'arrêt du processus électoral en 1992. C'était vraisemblablement ce que M'Hamed Yazid - que Dieu ait son âme - appelait le cabinet noir.

Tout porte à croire que c'était véritablement une autre époque. Parce que de nos temps actuels, «les faiseurs de présidents» ont été obligés de s'éclipser pour certains totalement, pour d'autres cycliquement mais sans aucune promesse de récupération. Larbi Belkheir, pour ne citer que lui, bien malade aujourd'hui, aurait quitté le pouvoir, nous dit-on, sans avoir réussi à comprendre «certaines réactions de Bouteflika».



Un démenti pour une énigmatique succession

 

Le président sortant, faut-il le dire, n'aime pas partager le pouvoir. Il s'est autodésigné le seul apte à choisir son successeur. Le démenti de la Franco-Algérienne qu'on dit originaire de la wilaya de Aïn Defla et parente à Ahmed Attaf, ancien ministre des Affaires étrangères durant les années 90 et plus tard ambassadeur, paru hier dans El Watan à ce sujet, tombe comme un cheveu dans la soupe. La sénatrice n'a pas dû inventer des propos aussi importants dans une conjoncture qui manque de transparence. Elle a dû être rappelée à l'ordre. Seulement, il faut croire que la tendance aujourd'hui est au décryptage de tout ce qui bouge autour de la présidence.

La visite de Raul Castro à Alger n'y a pas échappé. L'on s'étonne même pourquoi y a-t-il séjourné trois longs jours alors que la coopération est certes historique mais pas intense. Selon certaines sources, il se serait porté garant de «l'exécution» du contrat des MIG russes. Il a bien été à Moscou en premier avant qu'il ne vienne à Alger. Ce qui est sûr, c'est qu'il est retourné chez lui après avoir chopé une grosse grippe. Des interrogations se sont aussi posées à propos d'une éventuelle visite du président chinois à Alger mais qu'il aurait annulé à la dernière minute, pour aller directement au Mali. Mais pour rester dans l'essentiel, l'on a entendu dire à propos de cette énigmatique succession auprès d'un groupe d'anciens moudjahidine que Ahmed Ben Bella pouvait bien succéder à Bouteflika. C'était là une réponse à la fameuse question «qui voyez-vous d'autre pour son remplacement ?». Mais Bouteflika étant un homme imprévisible, il pourrait le rester jusqu'au bout, jusqu'à frapper les esprits en ayant en tête un successeur auquel les esprits se refuseraient d'y penser.