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Constance chinoisee

par K. Selim

Après l'Arabie Saoudite, le président chinois Hu Jintao effectuera une tournée dans quatre pays africains. C'est la quatrième du genre depuis l'arrivée au pouvoir de M. Hu Jintao en 2003 et cela traduit clairement l'orientation stratégique de la Chine en direction du continent. Le fait que les pays visités cette fois-ci - Mali, Sénégal, Tanzanie, l'île Maurice - ne soient pas des pays pétroliers montre que l'intérêt chinois pour l'Afrique ne se réduit pas au pétrole. Les Chinois ne sont certes pas altruistes, ils ont besoin de matières premières africaines. Un tiers de leurs approvisionnements pétroliers viennent d'Afrique. En contrepartie, la Chine investit énormément et répond aussi aux immenses besoins d'infrastructures du continent.

Le cap stratégique vers le continent se fait dans un contexte marqué par les mutations remarquables de l'économie chinoise et dans le cadre d'une compétition mondiale pour les ressources énergétiques et les matières premières. Les chiffres sont édifiants : en 2008, les échanges entre la Chine et l'Afrique ont atteint 106,8 milliards de dollars. Trois ans plus tôt, en 2005, ils n'étaient que 40 milliards de dollars. Une croissance annuelle moyenne de plus de 30%, ce qui est absolument remarquable. Cette grande percée de la Chine en tant que bailleur de fonds et investisseur en Afrique n'est pas du goût des Occidentaux. Quand ils n'essayent pas de faire peur aux Africains sur une supposée entreprise de « sinisation » du continent, les Occidentaux critiquent la propension de la Chine à accorder des prêts aux Etats africains sans les conditionner par les progrès de la démocratie et de la gouvernance. Une critique de mauvaise foi quand on connaît les rapports douteux que les Occidentaux ont entretenus et entretiennent toujours avec de nombreux régimes africains.

La quatrième tournée de Hu Jintao dans un contexte de crise économique mondiale est indéniablement un signal que la Chine maintiendra son cap africain. Le ministre chinois des Affaires étrangères, Yang Jiechi, a même indiqué que le président chinois annoncera au cours de cette tournée une augmentation de l'aide chinoise à l'Afrique. La Chine maintient ainsi le cap des engagements pris, il y a deux ans, lors du sommet sino-africain de Pékin. Il s'agit de doubler l'aide en trois ans, d'annuler les dettes pour 33 pays africains. En janvier, la Chine a annoncé qu'elle allait allonger la liste des produits africains exonérés de taxe à l'importation, afin de poursuivre le développement de ses échanges commerciaux avec le continent.

La Chine a déjà bouleversé la donne en Afrique. Serge Michel, journaliste suisse, coauteur avec Michel Beuret d'un remarquable livre-reportage, intitulé «La Chinafrique : Pékin à la conquête du continent noir», le souligne. La Chine a le mérite de donner aux dirigeants africains «le choix et la possibilité de mettre les uns et les autres en concurrence». Ce n'est pas rien pour un continent réduit pendant longtemps à une chasse gardée des entreprises occidentales.