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Un exercice difficile diriez-vous ? Et pourtant ! Un mois de janvier froid et glacial dans les deux capitales. Pluvieux et venteux à Alger; à la lame à raser et enneigé à Montréal. Un Algérien a débarqué en ce début d'année 2009 au Canada, plutôt au Québec, plus exactement à Montréal. Bien emmené par Ghani et Ali, il découvre pour la première fois de sa vie des températures de -23°C alors qu'à Alger il grelote dès que le thermomètre flirte avec les 10°C. Il apprend ou ose dire que par -5°C il fait chaud, que le déclencheur, sans pédanterie ni prévarication, de l'arthrose (cervicalgie) est l'humidité et non le froid. Au Canada, un bulletin météorologique sans le facteur vent, éolien ou de refroidissement c'est comme un journal télévisé en Algérie sans les louanges et invitations à continuer. Et voici la fameuse formule de mesure de la sensation du froid : R = 13,12 0,6215*T - 11,37* V* *0,16 0,3965 *T* V* *0,16 (R = température de refroidissement,* lire multiplié par, ** lire puissance, T pour température en degrés Celsius indiquée par le thermomètre et V pour la vitesse du vent). Le lecteur est probablement surpris à la fois par l'ingéniosité et la simplicité de cette formule... L'essentiel est ailleurs : un monde plus qu'orwellien. Les Nord-américains ont fini avec les équations mathématiques pour gros bénéfices. Ils modélisent l'immatériel et les sentiments des hommes pendant que nos autres les empêchent de respirer. Deux capitales, des dégâts à cause des conditions climatiques et des chantiers. A Montréal, ce sont des aqueducs et conduites d'eau, qui datent pour certains de 1891 et la précision est importante, qui éclatent pour cause de gel et de vétusté; à Alger ce sont des conduites qui sont perpétuellement bouchées pour cause d'abandon et d'étranglements par les ordures. Dans les deux villes, des chantiers sont mis en branle. Ici et pour causes de salubrité et d'hygiène publiques, des procédures exceptionnelles sont déclenchées pour réparer au plus vite ces conduites. A Alger, c'est le standing politique du quartier qui est d'abord jaugé pour calibrer la nature et le volume des interventions à faire. Dans les deux villes, la circulation en ressent les contrecoups... Les Algérois en riront des Montréalais. Ces derniers ne sont pas chiffonnés à l'idée de faire un détour par l'angle de la prochaine rue pour, et la place est garantie mais rarement gratuite, stationner et rejoindre leur foyer, par contre, ils seront horrifiés de ne pas disposer de l'eau chaude dans le robinet. A Alger, les conducteurs vont d'abord invoquer Dieu, se tirer les cheveux et pester contre le mauvais sort que subit la ville. Ils doivent s'estimer heureux car l'état de la chaussée algéroise est meilleure et de loin que celle de Montréal. Les seuls conducteurs qui osent klaxonner sont bien sûr les taxieurs. Les policiers visibles dissuadent des mauvais comportements. Ceux (les policiers en civil, dans des véhicules banalisés) qui ne le sont pas jouissent devant un automobiliste arrêté suite à une infraction. Ils étalent ostentatoirement la puissance que leur confère la force de la loi. Les palabres, négociations pour éviter la verbalisation sont possibles. Le résultat nul est garanti. Refuser de payer est un droit, mais gare à la broyeuse ! Revenons aux chantiers. Dans les deux villes, ce sont des hommes qui se ressemblent en tout point de vue avec quasiment les mêmes engins qui travaillent. La disponibilité d'une information à jour est la première différence. Le chef de l'équipe de Montréal a les plans des conduites, des trappes d'accès; celui d'Alger travaille à l'aveugle. C'est l'intensité de l'odeur qui lui indique l'endroit où il doit agir ou le morceau de conduite à réparer. La complexité de la réparation pousse certains à trouver une solution définitive, par contre, elle justifie son report à la saint-glinglin pour les autres. Durant toute la durée du chantier, les responsables élus ou désignés nord-américains sont là pour actualiser leurs fiches, leurs plans ; les nôtres sont là où ils veulent être ou là où ils ont dit qu'ils y seront, et ce n'est pas forcément vrai. Pour rentrer à la maison, le débarqué a le choix entre la voiture, le bus ou le train. La phobie des bouchons qu'il a développée à Alger - ces cauchemardesques tronçons de Souidania ou Boudouaou à Alger-centre - est telle qu'il préfère le train. En gare, le train de banlieue montréalais ne siffle pas, il fait tintinnabuler une cloche comme dans les vieux films Western. Ce qui est appelé gares sur le réseau de la banlieue de Montréal est appelé haltes dans la partie oubliée du réseau ferré algérien. Les gares de la banlieue algéroise sont plus grandes, plus belles et plus accueillantes. Le matériel de transport doit être dans la même tranche d'âge. Et gigantesque différence : la banlieue algéroise est électrifiée, la montréalaise pas du tout ! Dans ce genre d'investissements, qui a tort et qui a raison dans son choix ? L'immigrant à Montréal pour cause de douleurs à son pays se doit d'entrer dans le moule québécois à défaut il sera considéré comme une masse humaine cinétique et anonyme. Dépourvue d'existence, de vie. La prise en charge par l'administration canadienne est horrible pour ceux qui ont le « sang chaud » et les fumeurs invétérés. Dans ses enceintes, des dépliants d'information de tout genre sont à portée de main, des affiches d'invitations à la courtoisie, au sourire et une file scrupuleusement respectée. Les préposés au service doivent certainement avoir des primes substantielles anti-ennuis, anti-stress et anti-redites... Ils ne sont jamais fatigués, ce sont eux les premiers à vous saluer. Celui qui s'occupe de vous ne s'ennuiera pas s'il passe une voire deux heures avec votre cas. Il va vous expliquer tout ce qui relève de son domaine de compétences, répondra à toutes vos questions et vous chargera d'une pile de documents informatifs. En fin de procédure, votre relation avec ce service est définitivement scellée par un numéro et un document officiel que vous recevrez par poste. Pressé de griller une clope, et heureux d'avoir fini avec lui... Où sont les similitudes et contrastes entre les deux capitales vues à travers cet aspect des choses. Les deux bureaucraties sont des broyeuses. L'une vous suit là où vous partez, vous empêche de perturber le système. L'autre vous empêche d'avancer et vous interdit de bénéficier de ses avantages. L'une vous accorde toute la présomption de la bonne foi, l'autre jette l'opprobre de la suspicion. Ca dépend pour qui la vérité est sacrée et le mensonge un crime... La société de consommation par la porte coulissante d'une très grande surface... L'immigrant qui atterrit dans le deuxième plus grand pays du monde avec quelques euros âprement acquis et dont une partie est une dette contractée auprès de ses frères non utérins compris, un mot extraordinairement beau à écrire car l'usage qui en est fait ici est a priori différent du nôtre, est très regardant sur la dépense. Sans emploi (encore), sans revenus et n'étant pas habitué à cette monnaie, le dollar canadien même s'il ne fait pas autant peur que son méchant voisin, tous les achats sont convertis au dinar algérien au taux de 1 pour 50 DA pour faciliter la multiplication. Sans les analyser avec la rigueur de la parité par rapport au pouvoir d'achat (PPA), dans les commerces de l'alimentaire des grandes surfaces ou des grands magasins d'Alger et de Montréal, les prix dans les deux villes sont dans les mêmes eaux. C'est dans la restauration, les Montréalais n'hésitent pas à dire bouffe - à juste titre tellement elle est infecte, insipide et sans goût -, que le décalage est choquant. Le prix du tabac est démentiel. Oui, c'est vrai que c'est très agréable de s'attabler dans un endroit sans fumée ni mégots mais les Canadiens ne savent pas encore que « Qahwa wa garu, khir min saltan fi darou » (un café savouré avec une clope c'est mieux que la luxure d'un roi dans son château). Les plaisirs sont différemment appréciés. Ce qu'ils ne savent pas aussi : pour se satisfaire, un Algérien est capable, en plus de la harga, du pire des sacrifices : sortir dans la rue et fumer par -18°C. La dépense est tentante, tous les artifices sont utilisés par ces géants de la distribution à des fins de gavage. Il suffit de s'approcher d'un commerce pour que la porte coulisse devant vous. Il ne lui manque que la parole. Avec un revenu minimal, se nourrir est possible. Les produits de base sont accessibles car acquis pour des clopinettes auprès des pays sous-développés, généralement des dictatures. Le chiffre, rapporté par la presse locale, de 4,5 milliards de dollar pour l'année 2008 représente le montant des commissions prélevées par les organismes de crédit et les grands groupes bancaires. A lui tout seul, il explique la glisse ? neige et verglas obligent - vers l'obésité de certains dans l'acception la plus large de ce mot et la déchéance humaine pour d'autres. L'inexistence d'un tel chiffre dans notre pays ne peut justifier ni expliquer la misère sociale. Un scandale est dans tous les journaux : le trafic des documents administratifs essentiels pour vivre aux dépens de la Province. Les Marocains plus que les autres Maghrébins sont montrés du doigt. Il porte sur le bénéfice du BES (allocation pour le Bien-Être Social), son nom « affectif » dans les milieux de l'immigration est le « besbes » (le fenouil), et les couples « blancs » qui lie un immigrant et une « Qabqaba », comprendre une québécoise. Et pêle-mêle maintenant. Le chauffeur-receveur d'un bus était stupéfait que son passager ne rembourse pas son frère qui a payé le ticket de bus pour lui. « Oui monsieur, ça se passe comme ça chez nous ». La sécurité de la ville et de sa banlieue est plus que rassurante. Les voleurs ont leur photo, extraite des films des caméras de surveillance, étalée dans les journaux de l'arrondissement et de la presse locale. Les téméraires existent dans les deux capitales. Ceux de Montréal tentent de traverser à moto le Saint-Laurent quand il est recouvert d'une glace dont personne n'a mesuré la résistance. Ceux d'Alger ont été capables de nager dans les eaux de la rivière d'El-Harrach suite à un rocambolesque ghoraf de l'équipe locale. Le respect, les hommages et la glorification de tous les Canadiens qui ont fait acte de bravoure pour leur pays sont visibles, lisibles dans chaque monument, édifice, esplanade ou parvis. Dans notre pays, c'est la prébende et la rapine qui sont organisées avec leurs noms. Les noms des Saints (chrétiens) donnés aux rues de Montréal sont ce que sont les noms des Révolutionnaires aux nôtres. Et si c'était le contraire, par ces temps d'islamophobie, que diront et écriront les Occidentaux à propos de ces toponymies ? Un zeste de politique : soutenue par un bloc souverainiste, une coalition de deux partis veut faire tomber le gouvernement fédéral pour cause de non appréciation de la structure du budget. L'objectif est clair, net et précis. Dans notre pays, un parti politiquement insignifiant appelle à l'union un autre qui n'a pas fini encore son deuil pour s'opposer à l'élection présidentielle ou à la reconduction d'un candidat. Toutes les questions en filigrane demeureront sans réponse, les raisons étant connues. Du génocide palestinien : à Montréal, pendant qu'un ancien ministre serine les téléspectateurs sur la Judée-Samarie et les droits des Israéliens, l'Association des « Palestiniens et Juifs unis » appellent au boycottage d'Israël, au désinvestissement et à des sanctions. À Alger, une manifestation de soutien à ce peuple meurtri n'a été possible qu'après moult tentatives. Une plaque de rue dans cette grande ville porte « Canada Afghanistan ». Les taggers ont ajouté le mot « Out d'« entre les deux pays. La crise mondiale fait voir pas mal de couleurs à l'économie canadienne. En s'appuyant sur son voisin, les propositions de solutions, les mesures prises vont toutes dans la même direction : faire boire le calice jusqu'à la lie pour les pays sous-développés et riches qui n'arrivent pas à en finir avec les querelles de belles-soeurs vivant sous un même toit car leurs hommes ont vendu leurs âmes aux « blondasses » de l'Amérique. Un Algérien, établi dans ce pays, a réussi avec ses collègues à créer l'embryon d'un syndicat dans la petite fabrique qui l'emploie. Conséquence : il a été licencié illico-presto en compagnie de ses camarades. Le renouvellement des personnels est une stratégie bien pensée par les tenants de la prédation. Le licenciement des travailleurs est une règle d'organisation et de management qui a pour but d'empêcher la construction de liens affectifs solides avec l'entreprise, d'avorter tout sentiment de propriété collective. En dépit de tout ça : Alger et Montréal sont deux villes merveilleusement belles. Les Algérois et Montréalais sont foncièrement bons. Sans être un jeu, les plus que sept erreurs, dans leur pays respectif, sont à chercher dans le politique et les gouvernances. Une virée à Lotta ou à Boudjellil pour une partie de dominos truquée est un plaisir certainement cher. En attendant, faire confiance au temps est une utopie nécessaire et aller au métro « Sauvé » est un autre pas vers l'intégration. |
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