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Il y a 86 ans, le 2 février 1923, est né Kacem Zeddour Mohamed Brahim, héros et grande figure de la Révolution algérienne, un géant sans tombeau. Il est né à Oran, au numéro 05, Rue Cambronne au quartier de Saint Antoine. Zeddour Brahim est l'un des principaux acteurs de Novembre 1954, et même bien avant. Il était connu pour sa discrétion et sa modestie, évitant toujours de parler de lui même. Ce qui n'autorise nullement à ce que des héros et des héroïnes restent à jamais inconnus. Zeddour Brahim est le fils de l'illustre Cheikh Tayeb El-Mehadji, une personnalité édifiante d'Algérie, originaire de la Gaada, à 50 km au sud-est d'Oran. Notons que le professeur Bouamrane Cheikh (président du HCI), Hocine Aït Ahmed, Abdelkader Maachou (un fidèle ami de la famille du martyr), feu Germaine Tillon et Luis Massignon (ce dernier a rencontré son défunt père à Oran en 1955), ont tous rendu hommage au martyr. En outre, feu Docteur Yahia Bouaziz lui a consacré une brève biographie. Quant à la Moudjahida Djamila Bouhired, après avoir été condamnée à mort, le 15 juillet 1957, à la suite des attentats du «Milkbar» (09 novembre 1956), et celui de la cafétéria du Coq Hardi du 26 janvier 1957, à l'issue de son procès, elle avait évoqué feu Zeddour en déclarant ceci : «la vérité est que j'aime mon pays et que je veux le voir libre et pour cela j'approuve la lutte du FLN, et c'est seulement pour cela que vous allez me condamner à mort après m'avoir torturée comme vous avez tué mes frères Ben M'hidi, Boumendjel et Zeddour. Mais en nous tuant, n'oubliez pas que ce sont les traditions de liberté de notre pays que vous assassinez, son honneur que vous compromettez, son avenir que vous mettez en danger et vous n'empêcherez par l'Algérie d'être indépendante, Inchallah». Feu Kacem appartient, indique-t-on, à deux des dix fractions des Chorfa dits M'hadja, une du côté de sa mère, les Ouled Sidi Blaha - qui seraient les enfants de Sidi Saïd - et l'autre du côté de son père, celle des Ouled Sidi Freïh, issue d'El-Gaada, à 50 km au sud-est d'Oran. Son ascendance remonte à Idriss II (Fondateur de la dynastie Idrisside 788-985 à la fin du 8ème siècle) par son fils Mohammed et le fils de ce dernier Ahmed. Notons au passage, que c'est en 1883 que décéda l'Emir Abdelkader et naquit le père de Si Kacem, Cheikh Tayeb M'hadji, à El-Gaada et le légendaire Mohamed Ben Abdelkrim El-Khattabi, héros de la guerre du Rif, que Si Kacem connaîtra au Caire. Dans la clandestinité Kacem vivra dans le domicile familial jusqu'en 1940. Il était le quatrième enfant après son frère aîné si Mohamed et deux soeurs. De 1940 à 1952, la famille s'installe rue de Wagram, sur les hauteurs du quartier «El-Agba» surplombant Ras El-Aïn. Dans son autobiographie, Cheikh Tayeb El-M'hadji raconte qu'en 1342 H (1923), il avait rencontré, à plusieurs reprises, à Oran, le grand érudit du Maroc et de l'Islam, Cheikh Abou Choaïb Eddoukali et «il assista à certains de ses cours sur l'exégèse du Coran et du Hadith». C'est dans cette maison qu'il lui rendait visite. Cheikh Tayeb El-M'hadji enseigna à Oran de 1912 à 1969, année de sa mort. Auparavant, il a dû quitter son douar natal suite aux décès en 1323H/1905 de son père Mouloud d'une part et de son cousin et maître Hadj Mohamed fils de Benabdallah d'autre part. Dès sa jeune enfance, Si Kacem prit le chemin de l'école de son père. A neuf ans, il finit d'apprendre le Coran. Le 6 août 1937, il obtient, à quatorze ans, son certificat d'études primaires, après avoir poursuivi sa scolarité à l'école Pasteur, située à M'dina Jdida, pas loin du Boulevard de Mascara. Il poursuivra, à plein temps, ses études chez son père jusqu'à l'âge de 22 ans. Ainsi, il a dû passer 15 à 17 ans auprès de lui. Son père lui ouvre, après la fin de ces études, un commerce de couvertures traditionnelles, rue Kara Mohamed à M'dina Djida. Le magasin de couvertures allait lui servir de couverture à ses activités secrètes pour le compte du PPA (Parti du Peuple Algérien) activant dans la clandestinité. Si Kacem y avait adhéré très jeune. C'est dans ce magasin que venaient régulièrement Hamou Boutlélis portant une ronéo avec Si Abdelkader Maâchou pour le tirage des tracts. En 1945, la France est libérée et, dans un élan de «générosité», récompensera ceux qui se sont battus pour elle. Beaucoup d'Algériens furent médaillés et 45.000 allaient être massacrés au moment même où une folle liesse s'emparait des Champs-Elysées. La puissance coloniale n'était plus cet épouvantail qui les avait écrasés par la terreur. Le point de non retour est irréversiblement engagé par le peuple algérien sous l'emprise totalitaire, l'humiliante défaite de nos prétendus «civilisateurs» à Dien Bien Phu lèvera l'équivoque. Notons au passage, qu'au cours de cette année 1945, des archives du PPA furent découvertes par les services secrets français chez un militant. La prise était importante. Une vague d'arrestations fut déclenchée à travers toute l'Oranie. Si Kacem, qui avait organisé les manifestations du 08 mai, fut arrêté dans son magasin. Vingt autres militants subirent le même sort. Il furent interrogés et incarcérés à la prison civile d'Oran, puis transférés à la prison militaire de la même ville. Ils furent «inculpés de trahison et atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat», d'avoir «sciemment participé à une entreprise de démoralisation de l'Armée et de la Nation, ayant pour objet de nuire à la défense nationale en adhérant au parti nationaliste dit PPA». Pour les motifs cités ci-dessus, le substitut du juge d'instruction militaire Layrisse les envoie pour être jugés « conformément aux lois ». L'acte d'accusation fut signé le 29 janvier 1946 suite à l'ordonnance de renvoi devant le tribunal datée du 14 janvier 1946. Signalons un détail qui mérite amplement sa place ici. Au cours des interrogatoires, Souiyah El-Houari, un des principaux inculpés, déclare que onze parmi les 21 arrêtés - dont l'un était en fuite - étaient de simples membres de cellules alors qu'ils en étaient chefs. Dans sa livraison N° 3167 du 30 janvier 1946, «Oran Républicain» reprend le procès où sept avocats se sont succédé. Sur les 21 membres, dix furent condamnés, les onze autres acquittés grâce à la présence d'esprit de Souiyah El-Houari. Si Kacem, incarcéré sous le numéro d'écrou 1.554, fut libéré le 30 janvier 1946, après neuf mois de détention préventive. Quant aux condamnés, ils encoururent des peines diverses. Disparu à jamais Zeddour Brahim est très actif, indique notre source, pendant tout l'été 1954, et rencontre les militants pour les préparer à l'événement qui s'annonce : le déclenchement de la guerre de libération. Le 1er novembre éclate comme un tonnerre dans un ciel serein. Si Kacem est chez lui quand cet événement se produit. Le 2 novembre, il est arrêté par la DST (Direction de la Sûreté du Territoire), puis relâché, puis arrêté du nouveau. Son frère aîné l'interroge : «Qu'est-ce qu'ils te veulent» ? Il répond : «ils veulent que je leur parle de mes compagnons du Caire et de leurs activités...». Le 06 novembre 54, il est arrêté chez lui. Sa famille ne le reverra jamais. Elle apprend seulement qu'il est torturé sauvagement. Son père et son frère se rendent au siège de la DST à Sidi El-Houari; on leur dit qu'il a été transféré à Alger. Son frère s'y rend; on l'oriente vers la DST à Climat-de-France (Bouzaréah). Un agent lui dit qu'il s'est «évadé» la veille ! Il retourne à Oran où son père dépose plainte, mais aucune suite n'a été donnée à sa démarche. Plusieurs mois plus tard, il finit par savoir ce qui s'est réellement passé. Le 30 novembre 1954, le Journal d'Alger mentionne «une curieuse découverte : un cadavre nu à l'embouchure de l'Oued Hamiz». Il écrit : «le corps entièrement nu se trouvait dans un sac de jute de fabrication française. Il a séjourné environ un mois dans l'eau...». Cette découverte a été faite 23 jours après l'arrestation de Si Kacem Zeddour et 16 jours après son «évasion» du siège de la DST d'Alger. Le corps a été enterré au cimetière européen de Fort-de-l'eau. Le 19 janvier 1955, l'Echo d'Alger indique : «L'étudiant (Mohammed) Zeddour servait d'agent de liaison entre les chefs nationalistes algériens et a été condamné par défaut». Le 19 juin, Si Mohammed, le frère aîné du martyr, se rend à Alger, à la recherche d'un militant pour obtenir des nouvelles. La police l'arrête à son hôtel. Après avoir été interrogé, il est libéré avec «le conseil» de ne pas rester à Alger ! L'administration pousse le cynisme jusqu'à réclamer à la famille le payement de l'amende à laquelle Si Kacem a été condamné ! Elle reçoit de son frère cette réponse : «vous dites que mon frère s'est évadé; quand vous l'arrêterez, il vous paiera». En fait, l'administration cherchait à décourager la famille pour abandonner ses recherches. Début novembre 1955, un Algérien s'est présenté au domicile du Cheikh Tayeb Mhadji et a informé son frère Si Mohammed que Si Kacem ne s'est pas évadé, mais qu'il a été tué et jeté à la mer. Il a recommandé de s'adresser à l'avocat Maître Popie d'Alger pour en savoir plus. L'avocat a été assassiné par la suite par les partisans de «l'Algérie française» qu'il ne soutenait pas. Le 10 novembre 1955, l'hebdomadaire L'Express a complété l'information : «Il y a à Alger une affaire en cours d'instruction où des policiers haut placés sont compromis. Il s'agit d'un étudiant musulman âgé de 31 ans, Zeddour Belkacem, arrêté à Oran... On le savait nationaliste... A son arrivée à Alger, l'un des policiers chargés de l'interroger constata que les tortures qu'il avait subies à Oran l'avaient mis dans un tel état de faiblesse qu'il ne pouvait même plus parler... Après quelques instants, Zeddour Kacem mourait. Le corps ficelé et mis dans un sac fut chargé dans une barque, lesté de 70 kg de plomb et jeté à la mer à 40 km au large d'Alger... Les parents de Kacem furent prévenus et reconnurent leur fils sur les photos de l'identité judiciaire...». Le sacrifice de cette éternel novembriste n'a pas été vain. Des établissements publics portent son nom pour la postérité à Sidi Bel-Abbès et Oran. |
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