Car finalement, si vous hésitez, il faut quand même le saluer.
Au moins pour sa technique incroyable de séduction par le dos et de
rassemblement par le vide. Car finalement, il faut le faire : se faire attendre
par l'Algérie plus que l'indépendance et lui tourne le dos mieux que l'Avenir.
Le bonhomme ayant réussi une sorte de rancart par l'absurde en déplaçant le
coeur de l'événement de sa réélection certaine, vers son consentement qui ne
sera même pas murmuré selon les codes de l'Amour. Vous voilà donc, peuple
glorieux, suspendu à des lèvres après avoir été suspendu par les pieds par les
anciens colons. Vous y êtes ? Bien sûr que oui. Contrairement au reste du
monde, vous êtes dans le cas où même votre Président ne veut presque plus de
vous, se passe de votre consentement et pousse la cocasserie jusqu'à réserver
son «oui» à la dernière seconde de votre curiosité. Va-t-il se présenter oui ou
non ? Pas la peine de répondre, car personne n'a besoin de votre réponse.
Ainsi, et par une énorme ruse de scène, l'enjeu comique n'est pas celui de
votre abstention possible, mais celui de son abstention à lui, encore très
officielle. On ne se demande pas si ce peuple va voter ou non, mais si lui va
se présenter ou pas. Comme technique d'enchère amoureuse, on ne peut pas
trouver mieux pour le moment : le prétendant poussant la technique jusqu'à ne
rien dire pendant des mois, pour mieux dire qu'il hésite à vous épouser. Non
parce qu'il prend en considération votre volonté, mais seulement la sienne. Il
vous épousera lorsqu'il le voudra, même si vous ne le voulez pas et, pour le
moment, le plus important n'est pas votre refus, mais son magnanime
consentement. Ce n'est pas à vous de dire oui, mais c'est à lui de dire
«peut-être». En terme d'approches nuptiales, cela s'apparente à ces manoeuvres
économico-familiales entre familles des anciennes bourgeoisies urbaines
décaties, très averties sur les coûts, les dots et les rites d'alliances. La
mariée est là, elle a le défaut d'être sourde est muette, elle est «inévitable»
car il n'y en a pas d'autres, elle est cupide et craint de vieillir avec des
vaches en plastique et pas avec ses enfants. Le demandeur est là, il fait
semblant de ne rien demander, il pousse l'outrecuidance jusqu'à raccrocher son
téléphone à chaque fois qu'on demande son avis et laisse entendre que s'il va
le faire, c'est par charité et juste «parce qu'il le faut» et parce qu'il a
besoin de «papiers» et qu'elle est la seule à avoir la nationalité algérienne
pure. Entre les deux, tout le monde attend. Ou pas. La citerne d'eau, les
nombreux moutons, les invités que personne n'a invités, le Père mort de
l'épousée, trop heureux qu'on ait donné son nom à un aéroport, sa mère morte et
qui ne le sait même pas, ses frères qui sont encore au maquis de Novembre où
tous les Algériens sont «frères», le flûtiste légendaire qui a joué de la flûte
pour Boumediène, Chadli, Zeroual, Boudiaf, etc. sans jamais s'interrompre, même
pas pour reprendre son souffle et qui peut non seulement faire danser les
serpents mais les faire voter. Tout est prêt, tout est préparé : on ne se
demande même pas ce qui va se passer la nuit de noce. La raison ? Cela s'est
passé tellement de fois depuis l'indépendance.»