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Chemins de fer : En attendant le premier TGV algérien

par Amine L.

Rattraper un retard de trois décennies : c'est le pari du gouvernement pour sauver le rail et la SNTF. Mais sur la voie du redressement, les embûches ne manquent pas.

Un sauvetage à plus de 2 000 milliards de dinars ! C'est le coût du redressement. Les ministres, qui se sont succédé à la tête du département des Transports, essayent, depuis maintenant près d'une décennie, de jouer un double coup gagnant : désengorger les routes avec leur lot de bilans annuels macabres et de pollution, et du coup, sauver le rail, une activité en perdition. Dix ans après le lancement du premier plan de sauvetage, le secteur a encore du chemin à faire. Pour réussir à mener le rail vers des futurs meilleurs, les responsables du secteur seront jugés sur leur capacité à régler au moins quatre dossiers noirs qui écornent l'image de la SNTF : un réseau vétuste, la question des tarifs et les retards dans l'exécution des projets. Au bout de ce plan de sauvetage, la SNTF aura l'obligation de remplir coûte que coûte ses wagons. Première priorité : le fret. La SNTF doit encore surmonter bien des écueils pour faire du transport de marchandises par le rail une activité durable et rentable, capable de prendre 25 % du trafic à la route d'ici à 2014, comme l'a exigé le plan quinquennal. Le plan pèse de tout son poids pour obtenir une rapide amélioration du réseau ferroviaire algérien, indispensable à la croissance de l'activité. La SNTF a annoncé son intention de mordre dans le marché du transport du fret. Pour l'heure, c'est le camionnage qui l'emporte largement. La SNTF est bien placée pour le savoir, puisqu'elle détient une filiale fret à 100 % calquée sur le modèle privé, STIM, société par actions créée en février 1994. Elle a pour mission le Transport de Bout en Bout de marchandises en faisant appel au combiné rail-route et toute activité connexe. « Compte tenu de l'ampleur de la tâche qu'il reste à accomplir, ce que nous avons fait jusqu'à présent n'est rien », commente, lucide, un cheminot. Pour voir le bout du tunnel, la SNTF doit entreprendre de vastes transformations en vue de la future bataille du rail. Rénover ses 3.000 km du réseau ferroviaire et réaliser 6.000 autres km. Le transport ferroviaire veut atteindre, à l'horizon 2014, 9.000 km de rails.

Pourtant, depuis quatre mois, la SNTF voit s'empiler les sujets qui fâchent, comme les retards à répétition, le mécontentement des clients confrontés à la « cherté » des tarifs et la montée au créneau du syndicat. « La SNTF a la tête dans les étoiles et les pieds dans la glaise », dit joliment un syndicaliste. Les étoiles, ce sont les futurs LGV à 220 kilomètres à l'heure. La glaise : les retards dans la réalisation des projets. Sur un autre front, la SNTF sait également qu'elle ne réussira pas son pari, si les voyageurs du quotidien sont laissés de côté. Abonnés aux retards, aux annulations, et au manque d'information...



3.000 km de rail à rénover



Le réseau ferroviaire est vétuste. C'est le dossier le plus urgent. De fait, depuis le début des années 2000, l'Etat a investi massivement dans la rénovation des voies; 3.000 kilomètres de rails posent de vrais problèmes, dont 1 800 kilomètres sont en si mauvais état que les trains doivent être ralentis, quand les lignes ne sont pas simplement fermées.

Alarmes tirées, caillassages ou déambulation sur les voies : 22 % des retards sont dus à la malveillance. Mais les usagers subissent également la dure loi du vieillissement des matériels (trente ans en moyenne) et de l'engorgement des réseaux. Le parc roulant est de plus de 10 000 wagons. La SNTF a commencé à acheter des rames neuves et personne ne pleurera les « petits gris ». Le parc sera renforcé par l'acquisition de 64 rames automotrices et 30 locomotives diesel (General Motors). Une formation a été assurée pour le personnel. Il faudra, cependant, attendre encore quelques années pour que le parc soit entièrement renouvelé. Les rames (ainsi que les quais) seront alors dotées d'écrans d'information et la ligne du Nord (de la frontière est à la frontière ouest) sera totalement électrifiée.



Le LGV, la tête dans les étoiles !



Le premier LGV circulera en Algérie vers la fin 2009. Pour ce faire, trois lignes en chantier devront être livrées à temps : Bordj Bou-Arréridj - Khémis Meliana sur 320 km (via Bouira et Béni-Mansour), Boumedfaa - Djelfa sur 260 km et Touggourt - Hassi Messaoud sur 240 km. Le LGV devra développer une vitesse allant de 160 à 200 km/h. Autre circuit qui sera en chantier : Bou-Medfaâ - Hassi-Messaoud en passant par Laghouat, Ghardaïa et Ouargla. Une étude qui sera soumise au gouvernement portera sur la réalisation d'une autre boucle sud-ouest allant jusqu'à Béchar.

La SNTF prévoit ainsi des mises en services en séries durant cette année 2009. A l'Ouest, la desserte par autorail Oran - Tlemcen, qui est déjà mise en service, sera étendue jusqu'à Maghnia. Le projet vient d'être inscrit. Les mises en service de la ligne Oran - Arzew (sur 37 km) et l'autorail Oran - Chlef sont annoncées comme imminentes. La ligne ferroviaire Méchéria - Béchar (360 km) est en chantier. Le projet est doté de 42 milliards de dinars, mais des retards sont signalés.

A l'Est, le tronçon Sétif - Bordj Bou-Arréridj (70 km) a été réceptionné en mars 2006. Deux ans plus tard, l'autorail a circulé pour la première fois entre Constantine et Annaba. La ligne ferroviaire reliant Aïn M'lila à Sidi Yahia (Tébessa) sera mise en service début mars prochain. Une desserte ferroviaire reliera cette année la commune de Chihani (El-Tarf) à Annaba, sur 32 km. La mise en service des lignes Tébessa - M'sila - Bordj Bou-Arréridj et Aïn M'lila - Aïn El-Beïda est imminente. Autres livraisons en 2009 : la nouvelle ligne de voie ferrée reliant les villes de Bordj Bou-Arréridj et M'sila et l'autorail qui reliera Sétif et Alger. L'appel d'offres pour la réalisation de la voie ferrée entre M'sila et Sidi Bel-Abbès a été lancé. Les travaux «seront bientôt entamés». Le doublement de la voie ferrée entre Sétif et Constantine (118 km) sera livré en juin 2009. Le dédoublement de la voie ferrée Ramdane Djamel - Annaba est en cours. Le métro est algérois 2009 sera une année décisive pour la SNTF : les Algérois attendent impatiemment la réception d'un projet grandiose, lancé il y a... 28 ans ! Alger aura enfin son Métro. Dès l'été prochain, soixante-quatre automotrices doivent ainsi être mises progressivement en service pour desservir Alger et sa banlieue. Dix-sept autres autorails sont destinés au réseau régional. Seize locomotives pour le transport de marchandises et cinq locomotives sur les quatorze destinées au transport de voyageurs sont déjà sur place. Cette année 2009, des trains électriques desserviront les itinéraires Alger - Thénia et Alger - El-Affroun. Pour la gestion du service sur le réseau, un avis d'appel d'offres national et international restreint a été lancé pour le choix d'un partenaire étranger qui sera chargé de la gestion et de l'exploitation des services ferroviaires de transport de voyageurs dans la banlieue algéroise. Le partenaire, qui signera un contrat de gestion et d'exploitation pour une durée de cinq ans et demi, travaillera avec la Société de transport ferroviaire de la banlieue d'Alger (SNTFBA), récemment créée - filiale de la SNTF - pour être dédiée aux transports urbains et suburbains de voyageurs dans la banlieue algéroise. Bien sûr, le secteur peut se prévaloir d'avoir attiré l'intérêt du gouvernement qui a mis la main à la poche pour investir « gros », de nature à faire oublier les déboires des trois dernières décennies. Il lui faudra, d'abord et définitivement, gagner la bataille du fret, ensuite préparer la société nationale à gérer le futur parc moderne et, enfin, montrer qu'elle est prête à essayer, bec et ongles, de rattraper les retards. Elle devra, aussi, convaincre les cheminots que la recherche de la rentabilité et de la productivité n'est pas incompatible avec la notion de service public.