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C'est ce qu'on peut appeler la myopie consensuelle ou l'explication « Binatna », traduire « entre nous ». Si l'Algérie est ainsi classée en quatrième position après les Etats-Unis, l'Italie et la France, non dans le PIB, la richesse pure ou le développement vers la lune, mais dans le nombre d'accidents routiers mortels, c'est à cause de quelques facteurs dits objectifs sélectionnés par le ministère de Amar Tou : l'élément humain (90%), l'excès de vitesse (76%), et dans une moindre mesure l'état des routes, le vieillissement du parc roulant, la signalisation manquante et les... auto-écoles accusées d'être des self-services. Pour faire face au massacre, le ministère et l'Etat qui l'emploie, va donc « durcir » les mesures, pénaliser le crime, réformer les auto-écoles et limiter les vitesses en augmentant le contrôle. Avec de telles mesures, les Algériens vont acquérir la deuxième nationalité suisse par la force de la loi et se conduire comme des Japonais au volant et comme des Algériens lorsqu'ils sont à pied. Est-ce possible ? Non. Si les Algériens roulent vite, meurent en vrac, décrochent facilement le permis de conduire et ne craignent pas la sanction, ce n'est pas à cause de la loi mais de l'argent, surtout. Le massacre des routes est rendu possible d'abord et avant toute chose par la corruption, et il ne sert à rien de durcir des lois que l'on peut enjamber comme des marelles, acheter, contourner, moquer ou ignorer. C'est parce qu'on peut acheter son permis de conduire d'abord chez les administrations de l'Etat et pas dans les auto-écoles, le récupérer pour 5.000 DA et trois coups de téléphone, éviter le contrôle technique avec le triple de cette somme et rouler aussi vite que permet la poche ou « l'intervention », que l'Algérie est classée comme premier pays arabe où les gens meurent sur la route plus que sur le lit. On va donc durcir les lois, imposer un nouveau code de la route, multiplier les dos d'âne, cela servira à peine tant que pour conduire ou mal se conduire, il suffit d'appeler, payer ou intervenir. Si la corruption est au volant d'un pays, elle est aussi au volant de ses voitures. Cela tout le monde le sait et Amar Tou tout aussi, mais on ne peut pas en parler : ni à l'APN, ni dans les journaux, ni à la tété. C'est une clause « Binatna », entre nous : la corruption se vit mais on ne peut pas la prouver. On peut en toucher mais pas la toucher. Et si avec 5.000 DA on peut récupérer un permis, c'est parce qu'avec 800 millions on peut acheter un mandat, avec 15.000 DA faire transiter un conteneur « Taïwan », avec 200 DA obtenir vite un extrait de naissance, avec 1.000 DA obtenir un branchement illicite au poteau du coin et avec quelques milliards se passer d'un peuple pour se faire élire. Tout est lié, Tou le sait, mais tout ne peut pas être dit. |
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