«Cette année est bénéfique pour le pays»,
«Dieu nous a gâtés cette année», et d'autres constats dans le même sens sont
faits par les citoyens après les abondantes pluies qui se sont abattues depuis le
mois de septembre sur le nord de l'Algérie.
Les rares puits qui restent çà et là à
travers la Mitidja se sont remplis, les sources taries depuis des années ont
repris vie et, même en plein mois de janvier, les champs et les vergers sont
déjà recouverts d'une herbe grasse qui sera très bénéfique au bétail qui y
trouvera une nourriture de qualité. Ce sont des pluies comme l'Algérie n'en a
pas vu depuis fort longtemps et qui font renaître l'espoir dans bien des
esprits. Pourtant, avec tout ce que cette pluie peut donner de bon, elle
occasionne aussi beaucoup de tracas aux citoyens un peu partout à travers le
territoire national, et la wilaya de Blida n'en réchappe pas. Ainsi, plusieurs
quartiers, surtout ceux situés en contrebas d'une élévation, se retrouvent
inondés dès que la pluie tombe un peu fort et qu'elle dure un peu plus d'une
journée. L'eau boueuse dévale les pentes, ramenant tout sur son passage,
bouteilles en plastique, cartons, sachets et morceaux de bois. Arrivée en
terrain plat ou si elle trouve un obstacle, l'eau se fraye un passage dans tous
les sens, envahit les demeures et les magasins, rendant la circulation aussi
bien piétonne qu'automobile très difficile, et peut constituer un danger
certain dans beaucoup d'endroits. Il y a à peine un mois, plusieurs quartiers
ont été inondés et il a fallu l'intervention de la Protection civile pour
pomper l'eau et secourir des familles sinistrées. Depuis avant-hier, une pluie
diluvienne s'est abattue sur la région de Blida presque sans discontinuer et
tous les oueds, grands ou petits, ont vu leur débit augmenter de façon
importante, certains ayant même débordé. Ainsi, et jusqu'en fin d'après-midi
d'avant-hier, les habitants de la petite localité de Khodem près de Boufarik se
battaient contre les eaux qui menaçaient leurs demeures, essayant de déboucher
les conduits obstrués par toutes sortes de détritus. La route nationale 29
entre Bouinan et Bougara et entre cette dernière ville et L'Arba était inondée
en divers endroits et les voitures étaient obligées de ralentir pour passer
dans de très grandes quantités d'eau qui la traversaient, dévalant la pente à
grande vitesse. Ailleurs, à l'intérieur des villes, l'eau boueuse traverse les
quartiers, empêchant les piétons de circuler librement et les écoliers étaient
obligés de sauter d'une pierre à une autre ou de patauger dans la gadoue pour
regagner leur école ou leurs demeures. Les raisons de ces inondations sont
connues et commencent à être prises en charge dans les nouveaux programmes,
comme les avaloirs d'orage qui sont construits systématiquement avant
l'opération de revêtement des rues, le curage de ceux existants ou encore la
reconstruction des différentes conduites. Mais cela semble insuffisant surtout
que beaucoup de rues sont encore dépourvues d'avaloirs d'orage, les trottoirs
ne sont pas terminés, les chantiers ouverts un peu partout aggravent encore les
choses. En plus de la conduite non civilisée de nombreux citoyens qui jettent
les divers détritus solides n'importe où, les sachets et les bouteilles en
plastique en nombre astronomique qui sont traînés par l'eau et qui obstruent
tout, les dépôts de terre et de déblais dans des terrains vagues, les fossés
qui ne sont pas nettoyés ni désherbés, les ponts mal étudiés des petits oueds
et surtout la construction anarchique d'habitation dans les lits des oueds.
C'est donc un travail de longue haleine qui attend les responsables à tous les
niveaux afin de ne plus craindre les inondations en éradiquant les causes et en
sensibilisant les citoyens pour qu'ils n'utilisent plus l'espace alentour comme
un grand dépotoir. C'est cette conjugaison des effets, ce changement dans la
mentalité des gens qui parlent toujours de «Baïlek», l'apprentissage de la
notion d'intérêt public qui fera que nous n'aurons plus peur dès que la pluie
tombe un peu plus que d'habitude, et que ces spectacles désolants de familles
transportées par camions vers des endroits plus sûrs ne feront plus partie de
notre quotidien hivernal.